LE JOUR OÙ… 1859 Cette année-là, un navire italien Le Saint-Stanislas, fait naufrage au large de Frontignan. À bord, une précieuse cargaison pour les viticulteurs du Midi. Et un mystère renouvelé. ? -47 L'avant et l'arrière. Étrave et étambot (gouvernail). C'est ce qu'il reste de mieux conservé d'une épave de 21 mètres qui gît par quatre mètres de fond à une encablure de la plage des Aresquiers, entre Maguelone et Frontignan. Découverte par un chasseur sous-marin en août 2008, elle attire l'attention du Drassm (Département des recherches archéologique subaquatiques et sous-marines), qui lancera des fouilles sous le nom codé « Aresquiers 12 ». L'inventeur a fait état de blocs de soufre posés sur des traverses, et les archéologues pensent immédiatement à un navire de transport en bois du milieu du XIX e siècle. À l'époque, un trafic soutenu venant d'Italie amène au port de Sète des cargaisons hebdomadaires de soufre. C'est un traitement souverain contre l'oïdium, un champignon qui ravage depuis 1850 les vignobles et menace de ruiner l'économie locale autant que toutes les vignes françaises. Les archives départementales sont mises à contribution pour percer le mystère du bateau englouti. Dans le tableau des naufrages, on trouve mention du Saint-Stanislas. Ce 22 — Novembre 2016 Un brick-goélette semblable au Saint-Stanislas (illustration tirée du site www.navistory.com) brick-goélette napolitain de 123 tonneaux, venant de Licata en Sicile, se rendait à Sète chargé de soufre quand il a heurté des rochers lors d'une tempête, s'est couché sur le flanc et a été submergé. Par chance, aucune victime ne fut à déplorer. Mystère résolu ? Las ! L'archéologie sous-marine n'est pas un long fleuve tranquille. Lors des sondages de juillet et août 2015, l'hypothèse du Saint-Stanislas va tomber à l'eau. L'équipe du SRA (Section de recherches archéologiques) de Frontignan - une vingtaine de plongeurs bénévoles formés aux méthodes scientifiques -, sous la houlette du docteur en archéologie Laurence Serra, retrouve dans l'épave une pièce à l'effigie de Napoléon III datée de 1863. Les débris immergés devant la plage des Aresquiers ne pouvaient donc être ceux du Saint Stanislas. Le mystère du bateau naufragé est donc relancé. Mais l'important n'est peut-être pas là, dans le nom du navire qui attend depuis un siècle et demi qu'on le tire de l'oubli. Sa cargaison, ou celle du Saint-Stanislas, montre à quel point le commerce du soufre fut intense dans notre région à partir de la seconde moitié du XIX e siècle. C'est que si l'on en connaissait empiriquement les effets, ce n'est qu'à partir de 1850 et la crise de l'oïdium qu'un ingénieur et viticulteur de génie, Henri Marès, va en définir précisément les doses et les conditions d'emploi pour lutter contre le fléau. Pour Pierre Bouldoire, conseiller départemental et maire de Frontignan, « durant toute cette période, c'est aussi grâce au dur labeur des gens de mer, souvent Italiens, à leurs sacrifices parfois, que fut sauvée l'industrie du vin dont l'Hérault était alors le premier producteur français et Frontignan le fleuron, avec son muscat vendu jusqu'aux États-Unis. C'est une belle leçon sur l'interdépendance des économies et les solidarités humaines. » |