Dossier... Suite de la page 7 mes sociaux, médicaux et éducatifs qui sont sources de difficultés au sein de la famille. Nous avons passé avec les services de périnatalité des maternités et de pédiatrie des conventions pour intervenir très tôt et prévenir toute situation à risque. A titre d’exemple, un poste de sagefemme coordinatrice a spécialement été créé pour organiser l’entretien prénatal précoce au 4 e mois de grossesse. Nous avons également mis en place tout un réseau de professionnels pour mieux encadrer des mères ou futures mères dans le cadre de la promotion de l’allaitement maternel. Le Département veut favoriser le maintien de l’enfant au sein de sa famille. N’est-ce pas risqué, dans certaines situations ? L’absence de risque est impossible. Même dans les familles dites « sans histoire », l’incertitude demeure. Mais cette prise de risque, évaluée avec finesse, engage le professionnalisme de l’ensemble des acteurs de terrain, formés et rompus à cet exercice. Nous avons choisi de poser un regard positif sur les familles et souhaité reconnaître leurs compétences naturelles. Sans porter de jugement moral, nos professionnels recherchent la collaboration des parents dans l’intérêt de l’enfant. Il est bien évident qu’en cas de danger avéré et d’évolution problématique, la justice est saisie. Existe-t-il des liens, selon vous, entre précarité et enfance en danger ? C’est un raccourci dangereux et, en l’occurrence, mensonger. Plusieurs études ont démontré le contraire. Malgré tout, il est évident que la précarité ne facilite pas l’harmonie des relations familiales. Vivre dans un deux-pièces ou un appartement dégradé, être préoccupé par ce qu’on va donner à manger à ses enfants le soir ne rend pas particulièrement disponible à l’écoute et à la prise en compte de l’enfant. Ce facteur de risque est patent mais le Département a mis en place des dispositifs (légaux et extralégaux) permettant de le repérer le plus précocement possible et d’accompagner les parents. Et c’est parce que le Département est sur le front du logement et de l’emploi qu’il est à même d’être le meilleur « bouclier social ». 8 GARD mag’n°68 - mars 2010 Vécu Janine Delsuc : une vie restaurée Sa réussite ne lui a pas été servie sur un plateau : si, aujourd’hui, Janine Delsuc s’affiche en restauratrice comblée, jeune maman d’une adorable fillette, son enfance appartient à un autre univers. « Je ne veux pas oublier d’où je viens : je suis née à Alès dans une famille très modeste. Mon père est décédé quand j’avais huit ans. Il était difficile pour ma mère de nous élever, mon frère, ma sœur et moi. » Aînée de la fratrie, elle est devenue une sorte de maman de substitution : « Je n’ai jamais voulu être placée en foyer, pour ne pas perdre ce lien familial. » Ce sont donc les services sociaux qui sont venus à eux : la famille a bénéficié d’une Action éducative à domicile (AED) de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) – autrement dit un éducateur du Conseil général est intervenu pour soutenir l’adulte dans sa fonction parentale et accompagner les enfants. Janine a aussi été reçue en accueil de jour dans une MECS (Maison d’enfant à caractère social), bénéficiant ainsi d’une aide aux devoirs après l’école, et d’activités de loisirs le mercredi. Ensuite, grâce à un « contrat jeune majeur », elle a pu prendre son autonomie, voler de ses propres ailes : « Il fallait que j’accepte de m’occuper de moi. » Elle décroche son bac et rencontre son mari très jeune, alors qu’ils ne sont pas encore diplômés de l’école hôtelière de Saint-Jean-du- Gard. « J’ai toujours voulu m’en sortir. Je m’étais fixé des règles : pas de drogue, pas de cigarette, pas d’alcool. » Ils multiplient les petits boulots et économisent chaque sou gagné. Stéphane Delsuc est lui-même issu d’une famille modeste. Rien ne leur est donné. Il part se former chez des chefs étoilés, notamment Marc Veyrat en Haute-Savoie. Quand ils reviennent à Alès, c’est pour créer à vingt-cinq ans leur propre restaurant. En 2006, ils rachètent un mas du XIX e à Saint-Privat des Vieux. Le Vertige des Senteurs, restaurant gastronomique, a la réputation de garder les pieds sur terre, avec une cuisine inspirée des produits de saison du terroir magnifiés par ce chef inventif et surdoué, distingué jeune talent régional par le GaultMillau pendant que son épouse recevait le trophée de la meilleure hôtesse. C’est effectivement en gardant les pieds sur terre que le couple a réussi son parcours. « Avec la crise, on a failli tout perdre. Nous avons cessé de nous verser nos salaires pour sauver l’entreprise. Nous ne prenons jamais de congés et réalisons tous les travaux de rénovation et d’aménagement nousmêmes. Nous ne dépensons que lorsque nous en avons les moyens. » Ancienne athlète de haut niveau malgré son allure menue, Janine a le sens de l’effort. Elle se souvient avec émotion de l'éducateur qui lui a montré une issue possible, quand le quotidien était difficile. Pour les services sociaux du Conseil général qui l’ont accompagnée, elle reste une référence. P.F. |