N A T U R E Au campement, les prisonniers sont passés au crible, avant d’être bagués et libérés. ETANG DES LANDES Sur les grandes routes… Le baguage des oiseaux est une des manières de mesurer la richesse avifaune de l’Etang des Landes et sa position privilégiée sur les routes de migration. Et le site vaut le détour, que s’autorisent volontiers les petits passereaux. ON sait que l’Etang des Landes est une halte courue par les grands oiseaux migrateurs, comme les incontournables grues cendrées. Phénomène facilement observable, même s’il conserve sa magie dans l’inconscient collectif. Pourtant, le site connaît des nuées d’autres visiteurs volants, bien plus nombreux et pourtant plus discrets, plus difficiles à observer. « Jusqu’à ces dernières années, il n’y avait aucune connaissance des migrations des petits passereaux. La seule façon de l’établir, c’était le baguage », explique Gilles Pallier, membre de la SEPOL (société d’étude et de protection des oiseaux du Limousin) et bagueur référent pour le CRBPO (centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux) sur la Réserve. Le baguage ? Une affaire de spécialistes, encyclopédies vivantes de l’avifaune. Des amoureux de la nature, au point d’aller camper en bande pendant plusieurs jours au bord de l’eau, afin de ne rater aucun des meilleurs moments pour les captures. Au milieu des roseaux, ils installent des dizaines de mètres de filets et se servent 22 LA CREUSE N°56 > novembre/décembre 2012 www.c r e u se.fr d’appeaux électroniques pour gentiment piéger leurs amis les oiseaux. Alors, ensemble au campement, ils passent au crible (âge, taille, poids, etc.) chaque prisonnier, qui est libéré, sitôt bagué. ETAPE FÉTICHE DES PETITS PASSEREAUX Depuis 2008, l’Etang des Landes est officiellement une station de suivi des haltes migratoires (voir encadré) et les sessions de baguage s’y sont succédé sans relâche depuis. Suffisamment d’années de capture, de comptage et de baguage permettent aujourd’hui d’affirmer une certitude : malgré la relative petite taille de sa roselière (7 hectares), l’Etang des Landes est un site majeur des haltes migratoires des petits passereaux. « Il y a une trentaine d’années, on observait d’importants dortoirs de plusieurs milliers d’hirondelles, mais ce phénomène s’était raréfié. Ces dernières années, il est de nouveau visible », constate Sébastien Bur, conservateur de la Réserve. Les hirondelles ne sont pas les seules à apprécier se ressourcer à l’Etang des Landes. Le travail de baguage démontre la fidélité de voyageurs aux noms pleins de poésie. La Gorge-bleue, le Bruant des roseaux, la Rémiz penduline, la Rousserolle effarvate, la Bergeronnette printanière, sont autant d’habitués de l’étape creusoise, sur la route qui les mène de l’Afrique au nord de l’Europe, ou inversement. Pas tous à la même époque de l’année, mais tous convaincus de pouvoir y trouver force insectes à déguster. Baguer permet de tracer le parcours d’un oiseau. Parfois la chance sourit et propose tel oiseau bagué en Espagne, tel autre en Allemagne, en Pologne, en Suède, etc. Et même, quelque individu égaré, comme le phragmite aquatique, pris dans les filets creusois : « C’est un des oiseaux les plus menacés d’Europe, qui migre généralement en suivant les côtes. Des années qu’il n’avait pas été repéré sur le continent », explique Sébastien Bur. L’Etang des Landes, étape creusoise, internationalement connue. C’est dit. ■ |