30 Patrimoine Côtes d’Armor M A G A Z I N E Nicole van de Kerchove (1945 – 2008) En quête d’ailleurs Le 21 février 2008, Nicole van de Kerchove s’effondre lors d’un treck sur l’île de Navarino en Patagonie, « sa » Patagonie. Elle ne se relèvera pas. La célèbre navigatrice, Pontrivienne d’adoption, musicienne et auteure, s’éteint dans ce bout du monde qui la fascinait tant. Cette femme libre laisse dans le sillage de sa plume, et dans la mémoire de ses amis, l’image d’une aventurière d’exception. N icole van de Kerchove s’installe en 1979 à Pontrieux, où elle a acheté le vieux manoir de Belle-Fontaine. Dans le petit port mouille l’Esquilo, son fidèle voilier. « Dans ma vie où alternent la mer et la terre, j’ai fait une grande pause dans ce doux tas de pierres, le temps de voir grandir mes enfants dans les bois, et se faire des copains, puis grandir en même temps que les arbres que nous y avons plantés ». Nicole s’est déjà fait un nom, grâce à son premier livre, Sept fois le tour du soleil, paru en 1977, un best-seller relatant ses grandes traversées, sans cesse réédité. « Pour autant, je crois qu’elle était au fond d’elle-même une terrienne, confie son ami, le chanteur Louis Capart. Elle me disait souvent qu’elle m’enviait d’avoir de vraies racines. Elle voulait à son tour enraciner sa famille,’poser’un peu sa vie ». Vite adoptée par les Pontriviens, lorsqu’il s’agit de « retaper » le manoir, les paires de bras amicales ne manquent pas. Puis les fidèles amis rencontrés aux quatre coins du monde viennent à l’occasion à Belle-Fontaine. Là, entourée de ses enfants, de ses chiens et de ses chats, elle donne des cours de piano et, chaque été, embarque tout son monde sur l’Esquilo pour louer la propriété à des estivants. Nicole est une femme tout en contrastes. Musicienne virtuose, elle confie un jour à un journaliste, MDV - Éditions « Je souris à ma vie » Nicole dans la mâture de l’Esquilo - L’équilibre, elle le maîtrisait, entre la mer et la musique. « La mer, c’est chez moi... mais la musique m’est vitale, certainement plus que la mer ». Il en est de même pour la solitude, dont elle a tant souffert dans sa prime jeunesse. Elle aime être entourée, mais ne manque pas une occasion de s’embarquer seule pour de longues traversées. « La solitude en mer est quelque chose de très fort. Une solitude peuplée des images des enfants, des amis qu’on a laissés… on les sent très proches, on les a avec soi… ». Enfant, elle grandit dans le haras normand de ses parents, tous deux concertistes issus de la noblesse belge, qui décident qu’elle sera musicienne. Elle partage ses journées entre le piano et les devoirs à rendre au précepteur qu’elle va voir - à cheval - une fois par semaine. « Chaque jour, je commence par les gammes, les arpèges et un tas d’exercices techniques... Nous étions sur une autre planète. L’immobilité insoutenable du temps, la rigidité des habitudes ont remonté, année après année, le gros ressort qui m’a propulsée dans la vie avec une curiosité et un immense appétit de découverte, d’aller faire’autre chose’ ». Lauréate de nombreux concours internationaux de piano, elle s’évade dans la lecture des récits de navigateurs légendaires, notamment ceux de Joshua Slocum (*). À 15 ans, souffrant d’anémie, les médecins lui prescrivent l’air de la mer. Ses parents l’envoient alors dans la maison de vacances familiale, à Westende en Belgique, face à la Mer du Nord. Elle y achète un petit voilier qu’elle apprend à manœuvrer avec un jeune marin, Herman, qui l’embarquera comme équipière en 1965, pour une croisière en mer Baltique. À 22 ans, elle fait la rencontre qui scellera définitivement sa soif d’horizons lointains : Bernard Moitessier (lire ci-contre). Il devient un peu son « père spirituel » et lui présente Loïk Fougeron, autre grand skipper, qui l’embarque sillonner la mer du Nord. Elle embarque pour quatre mois... et revient sept ans plus tard En 1968, elle fait construire l’Esquilo, s’inspirant du « Joshua », le ketch de Moitessier. C’est à bord de ce petit côtre en acier de 9 m qu’elle part alors pour un voyage de quatre mois aux Antilles... pour finalement ne regagner l’Europe que sept ans plus tard, avec Don, un américain épousé à Tahiti, où est née leur fille Sabrina. Kévin, lui, naîtra un an après leur retour. Sept ans de navigation qu’elle relate dans Sept fois le tour du soleil. Quelques mois plus tard, le couple se déchire et Nicole s’installe à Pontrieux. Mais elle ne tourne pas le dos à la mer. Elle repart Éric Le Jouan « Les marins ne meurent pas, Sur le perron de son manoir de Belle-Fontaine, à Pontrieux. en 1983 avec Sabrina et Kevin sur un ketch de 14m. Deux ans de navigation qui s’achèveront à Rio, où la petite Kim voit le jour en 1985. Retour à Pontrieux où elle se lie d’amitié avec Martine et Bernard Illien, lui aussi grand coureur d’océans. « Ma fille Typhaine avait le même âge que Sabrina, je passais chaque matin prendre Sabrina pour les déposer au collège, se souvient Martine. On prenait le temps de parler autour d’un café, pas de ses traversées, mais des choses de la vie. Je me souviens lui avoir dit un jour : ‘Imagine un peu la vie d’une mère célibataire avec trois gamins, qui vit en banlieue et travaille à Paris, avec deux heures de trajet par jour et les enfants à |