22 Rencontre Côtes d’Armor M A G A Z I N E Rencontre avec les gens d’ici « À mes débuts, le vêtement était fait pour durer. Aujourd’hui, il faut fabriquer et vendre en grande quantité », note Jean-Pierre Houée. Thierry Jeandot Rosalie couture à Saint-Brieuc La révolution du sur mesure Aujourd’hui, on s’habille surtout en prêt-à-porter. Mais tout le monde n’a pas une taille standard. Ce qui va à l’une ne va pas à l’autre. Jean-Pierre Houée, briochin et tailleur de son métier, a sillonné la planète pour les couturiers et fabricants de vêtements. Il a mis au point un logiciel révolutionnaire qui permet de fabriquer du sur mesure. Contact Rosalie couture, 93 avenue d’Armorique, Saint-Brieuc > 02 96 94 34 51 T issus chamarrés, patrons en papier soie, fils de toutes les couleurs, épingles omniprésentes, ordinateur, table lumineuse... On a du mal à se frayer un chemin dans l’antre de Jean-Pierre, qui porte bien ses 70 ans. « Mon père était tailleur à une époque où on en comptait près de 70 à Saint-Brieuc. J’en ai passé du temps dans son atelier. Tout petit, je me cachais sous la table de coupe. Il n’a jamais mis son travail en avant et ne voulait surtout pas que je lui succède ». Le virus fut pourtant plus fort. À regarder travailler Marie-Ange, ce père qui fut aussi son maître de stage, Jean-Pierre a tout appris. Mais très vite, maîtrisant parfaitement la technique, il a cherché à transformer le métier, à le faire évoluer. Entre ses voyages à l’étranger dans les ateliers de confection, son métier de formateur et sa propre expérience dans sa « base » briochine, il a commencé à gamberger. Chaque pays a sa culture qui marque la manière de s’habiller et par conséquent celle de fabriquer les vêtements. « Les Anglais utilisent des tissus plus rigides, les Allemands taillent large. Et les Africains arborent des vêtements aux tissus multicolores magnifiques. Le cahier des charges diffère d’un pays à l’autre. Nous devons en tenir compte. À mes débuts, le vêtement, était fait pour durer. Aujourd’hui, il faut fabriquer et vendre en grande quantité ». Le vêtement, une deuxième peau Formateur à la Chambre de métiers, où il était également élu, professeur à l’Académie internationale de coupe de Paris, Jean-Pierre fut parmi les premiers à monter des stages dans les années 1970. Pendant ce temps, son idée avançait. « Dans les années 1990, les ateliers ont périclité en Normandie, au Portugal, en Tunisie, dans des pays comme la Roumanie et la Bulgarie, qui faisaient parfois travailler 6 000 personnes dans un seul site, ont augmenté leurs coûts ; les fabricants se sont alors tournés vers Madagascar ou la Chine ». Jean-Pierre Houée a travaillé pour des enseignes connues, La Redoute, Celio, Devred, Brice, qui font fabriquer à l’étranger. « Il y a beaucoup d’intermé- Informatique ou petite main ? diaires dans ce métier. Je suis allé à l’île Maurice pour Hugo Boss, j’ai conseillé Décathlon. Et puis j’ai levé le pied. Au - jourd’hui, nous sommes sollicités pour des réalisations bien particulières que seule une petite unité comme la nôtre peut prendre en charge, des tenues pour des spectacles de magie, des costumes folkloriques ». Il est secondé par Brigitte, son assistante, qui semble avoir de l’or dans les mains et plus d’un tour pour satisfaire la demande parfois extravagante de clients. « Une fois, pour une robe de mariage, j’ai fait fabriquer du tissu à partir d’un tableau et j’en ai même habillé les chaussures ». La plus grande satisfaction de Jean-Pier - re, avoir trouvé l’informaticien qui a réalisé le logiciel dont il rêvait. « On y entre de nombreuses données sur les mensurations de la personne à habiller. Cela permet ensuite de sortir un ‘patron’et de couper le tissu au plus près de sa morphologie. Le vêtement tombe vraiment bien ». Cela suffira-t-il à relancer la couture dans notre pays ? Joëlle Robin |