[22] Côtes d'Armor n°116 janvier 2013
[22] Côtes d'Armor n°116 janvier 2013
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°116 de janvier 2013

  • Périodicité : mensuel

  • Editeur : Conseil Général de Côtes-d'Armor

  • Format : (230 x 300) mm

  • Nombre de pages : 40

  • Taille du fichier PDF : 2,9 Mo

  • Dans ce numéro : l'accompagnement périnatal, bien naître ici.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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30 Patrimoine Côtes d’Armor M A G A Z I N E Marcel Cachin (1869 -1958) Un homme fidèle à ses convictions L En septembre 1869, quand Marcel Cachin naît, les Paimpolais ne se doutent pas qu’ils côtoieront bientôt une figure de la politique française. Entre la Chambre des députés, le Sénat, les nombreux meetings et déplacements en France ou à l’étranger, il trouve toujours le temps d’un séjour dans les Côtes-du-Nord. Portrait d’un homme au parcours hors du commun et aux facettes multiples. e 29 mai 2010, une stèle en hommage à Marcel Cachin est inaugurée près de sa maison de Lancerf, sur une place qui porte désormais son nom, en présence de membres de sa famille, du directeur de l’Humanité et de personnalités. Si Jean Jaurès, de dix ans plus âgé que lui, fut le fondateur du journal l’Humanité, Marcel Cachin en fut le directeur pendant près de quarante ans, de 1920 à 1958. Grand érudit, philosophe, amateur d’art, orateur né, il avait également une très belle plume, écrivant nombre des éditoriaux du journal et répétant aux journalistes : « Il faut que chaque article soit lisible par l’ouvrier et le haut cadre ». L’hommage rendu en mai 2010 évoque « son attachement à la Bretagne, son respect des autres, de leur pensée, sa tolérance, son refus de l’anticléricalisme, son amour pour les gens du peuple ». Son éducation est pour beaucoup dans sa personnalité. Aîné d’une fratrie de cinq enfants, Marcel est élevé très librement par des parents très modestes. Sens de l’effort et du travail, amour de la terre lui sont transmis. Son père, né en 1832, est originaire du Gers. À la suite d’un tirage au sort, sept ans durant il « sert » son pays. Nommé gendarme à Paimpol à son retour, il épouse Marie-Louise Marcel Cachin en compagnie de Théo Jaume au marché de Pontrieux en 1937. Une figure humaniste respectée Le Gallou. Le grand-oncle de Marcel, Gillez Le Gwen, et une grand-tante, Françoise Pourceaute, lui transmettent des valeurs, dont l’humilité et la proximité avec les petites gens. Ses parents acquièrent une petite ferme à Lanvignec. La vie y est rude mais heureuse. Marcel travaille si bien à l’école qu’on l’envoie au lycée de Saint-Brieuc qui portera plus tard le nom d’un autre élève prestigieux, Anatole Le Braz. Louis Armez, maire de Paimpol et député républicain, intervient pour qu’il obtienne une bourse. Rares étaient alors les boursiers. Le jeune Cachin s’initie avec brio au latin, au grec, à l’instruction religieuse. Elevé pieusement par sa mère, il se détournera très vite de la religion : « Pourquoi voulez-vous qu’étant incroyant, je déteste les religions et les croyants ? » Et monseigneur Kerlévéo de Paimpol, qui a de l’estime et de l’admiration pour lui, lui consacrera un article élogieux dans son ouvrage Paimpol et son terroir paru en 1971. Ayant brillamment terminé son cycle secondaire - il reçut le premier prix de rhétorique en 1887, dix ans après Anatole Le Braz - Marcel part étudier la philosophie à Rennes puis, à partir de 1890, à Bordeaux où il enseignera et restera quinze ans. « C’est après la fusillade intervenue à Fourmies, une cité industrielle du nord, où la troupe avait tiré sur les ouvriers le 1 er mai 1891, que Cachin franchit le pas », raconte Daniel Hertzog, un de ses petits-fils. Cachin va ensuite rencontrer Jules Guesde et s’engager dans le mouvement des étudiants socialistes, puis au Parti ouvrier français. Sa carrière de militant l’occupe tellement que sa bourse d’agrégation lui est retirée. Pour vivre, il donne des cours particuliers. Collection Particulière Militant, politique et passeur d’art De Jules Guesde, « ce maître incomparable », il va tout apprendre, notamment l’éloquence. Cachin met ses compétences au service du Parti ouvrier. Il sillonne la campagne, semant ses graines socialistes. Il rencontre aussi Jean Jaurès. Tous deux Collection Particulière « Toute une vie donnée à la class La stèle apposée à Lancerf en mémoire de Cachin en mai 2010. ont en commun d’être venus au socialisme par Jules Guesde. Quand la guerre menace, ils se retrouveront dans une délégation allant voir le président du Conseil. Ils ne seront pas reçus et Jean Jaurès sera assassiné le jour même. L’éditorial de Marcel Cachin dans l’Humanité du lendemain, 1 er août 1914, titrera : « La dernière démarche de Jaurès était pour la paix ». Sa vie durant, il préservera l’héritage du disparu. Poursuivant son combat, Cachin est un artisan de l’unification du socialisme français, éclaté en plusieurs formations. Lors du voyage qui le mène au congrès international d’Amsterdam, il rencontre sa future femme sur un quai de gare à Lille en 1904. Marguerite David (Lilite, 1879-1956) a été choisie comme déléguée par le parti socialiste américain pour y assister. Française élevée en partie à Brooklyn, Lilite tentera d’emmener Marcel aux USA, mais c’est à Paris qu’ils se marieront en 1906 et s’installeront. Marcel a enfin un travail et un salaire comme délégué permanent à la propagande à la SFIO. Bruno Torrubia
Patrimoine > n°116 | janvier 2013 31 Marcel Cachin rencontre Pablo Picasso (à gauche Jacques Duclos). Collection Particulière Marcel Cachin devant sa maison à Lancerf. e ouvrière, cela commande le respect », François Mauriac Le couple découvre la vie politique, artistique et scientifique intense de Paris dans ce début de XX e siècle. Passionnés de philosophie, d’histoire et d’art, ils font la connaissance de nombreux intellectuels dont Eluard, Matisse, Picasso, Luce, Signac. Marcel remplit de notes des petits carnets, une quarantaine, dont une édition est consultable aux Archives départementales à Saint-Brieuc. Il y est question de la France qui souffre au quotidien et qu’il rencontre quand il la parcourt. Une fresque d’injustices. Pendant la guerre de 14-18, Marcel qui a 45 ans, alors député dans le quartier de la Goutte-d’or, a pour mission le ravitaillement de Paris. « C’est à cette période qu’il effectue des allers et retours en Russie et rencontre Lénine. Il sera d’ailleurs décoré de l’ordre de Lénine, haute distinction, en 1930, et un timbre sera créé en son honneur », explique Daniel Hertzog. Après le conflit, il va souvent en Bretagne avec sa famille ; c’est un peu plus tard qu’il achètera la maison de Lancerf avec un cousin. Devenu pacifiste, il dénonce le traité de Versailles. Il participe au congrès de la deuxième Internationale socialiste puis au Congrès de Tours en 1920, qui verra la scission du parti socialiste et la naissance du parti communiste dont il devient l’un des dirigeants jusqu’à sa mort. Il sera successivement député de 1914 à 1932, puis sénateur de 1936 à 1940, date à laquelle il est encore démis de ses fonctions publiques. En effet, Marcel Cachin a passé plusieurs mois de sa vie en prison. Paul Vaillant- Collection Particulière Couturier a fait un portrait de lui en détention. Arrêté par les Allemands en 1941 puis relâché, il s’enfuit tout d’abord en Bretagne et rejoint l’équipe du journal l’Humanité clandestine, qu’il dirige à nouveau dans l’ombre. Il a 72 ans. À la Libération, il se réinstallera en région parisienne et de 1946 à 1958, année de son décès, il est député et doyen de l’Assemblée nationale,. Pour le centième anniversaire de sa naissance, en 1969, six cents Paimpolais honorent sa mémoire. Pas étonnant, quand on lit la phrase du résistant Marcel Hamon, député des Côtes-du-Nord : « Le militant qui fut tant de fois injurié, frappé, emprisonné, était incapable de nourrir le moindre esprit de vengeance, incapable de se départir d’une parfaite correction et de la loyauté la plus absolue à l’égard de ceux-là même qui lui faisaient du mal ». Mais c’est à Annie-Claude Ballini que reviendra la conclusion. À cette phrase de Marcel Cachin prononcée à Lancerf : « C’est une chose très remarquable que la Bretagne, terre de religion, ait produit des hommes tels qu’Abélard, Lamennais et Renan », l’historienne, présidente des Amis de Beauport répond : « Marcel Cachin est sans doute le seul Paimpolais à avoir rencontré Jaurès, Lénine, Ho Chi Minh, Matisse, Éluard, Picasso, Thomas Mannet bien d’autres, grâce à son engagement politique et à son immense culture ». Joëlle Robin Marcel Cachin en grande discussion avec un pêcheur. Cachin, un des rares à avoir eu un timbre à son effigie en URSS. Les amis bretons Quand il est en Bretagne, Marcel Cachin rencontre de nombreux amis. Ainsi, il reçoit Paul Vaillant-Couturier, qui fait l’acquisition d’une maison à Bréhat ; ce dernier y retrouve Signac qui vient peindre chez Charles Hall Thorndike : « C’est le père Signac qui m’a appris à regarder les ciels », disait Marcel Cachin. Ginette Signac, la fille du peintre, épousa Charles, le fils aîné de Cachin. La petite-fille de Marcel Cachin, Françoise, directrice du musée d’Orsay et décédée en 2011, était donc aussi la petite-fille de Signac. Il connaît aussi la « colonie » de Sorbonne plage, parmi lesquels Lapicque et les savants de l’Arcouest. Et le mardi, il ne manque pas le marché de Paimpol. Il s’entretient avec YannSohier, instituteur à Plourivo, le père de Mona Ozouf. Et s’il aime la Bretagne, la Bretagne le lui rend bien. On raconte que quatre cents jeunes bonnes bretonnes assistèrent à une réunion politique qu’il anima dans le 16 e arrondissement de Paris. Les sources• Le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Jean Maitron, tome 21.• Regards sur la vie de Marcel Cachin, Marcelle Hertzog-Cachin, Editions sociales• Les originaux des carnets de Marcel Cachin, publiés par le CNRS en quatre volumes, sous la direction de Denis Peschanski, sont conservés aux Archives Nationales à Paris, cote 447 AP.



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