[22] Côtes d'Armor n°115 décembre 2012
[22] Côtes d'Armor n°115 décembre 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°115 de décembre 2012

  • Périodicité : mensuel

  • Editeur : Conseil Général de Côtes-d'Armor

  • Format : (230 x 300) mm

  • Nombre de pages : 40

  • Taille du fichier PDF : 3,4 Mo

  • Dans ce numéro : aide alimentaire, les associations se mobilisent.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 30 - 31  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
30 31
30 Patrimoine Côtes d’Armor M A G A Z I N E Patrimoine carcéral La prison de Guingamp class Grandes ou moyennes, toutes nos villes bretonnes ont, ou ont eu, leur prison. En 1997, celle de Guingamp a été classée monument historique, un édifice que les Costarmoricains visitent lors des Journées du patrimoine. Des projets sont en gestation, notamment l'accueil d'un centre d'art dédié à l'image, et un espace consacré à la promotion des patrimoines. Avant de redonner vie à ce joyau du patrimoine architectural national, de lui donner « une vocation, de missionner une association, le bâtiment doit subir d’importants travaux de r » habilitation. Des » tudes ont » t » men » es par Christophe Batard et Marie-Suzanne de Ponthaud, architectes en chef des monuments historiques, explique Annie Le Houérou, députée et maire de Guingamp. D’ores et d » jà, la R » gion et la Drac sont int » ress » es, ainsi que l’association Gwin Zegal, reconnue au-delà du d » partement, prête à travailler sur les arts visuels pour un public large. Mais, pour notre petite commune, l’ensemble repr » sente un coût de 6 M €. La r » fection de la toiture pour la mise hors d’eau a d » jà » t » effectu »e. À terme, nous voulons que tous les Guingampais s’emparent de ce nouveau lieu ». L’ancienne prison de Guingamp, dont le premier mur d’enceinte, haut de sept mètres, exerce encore une certaine fascination, est située sur un terrain de 3 000 m², rue Auguste-Pavie près de la mairie ; c’est une petite structure dotée de 50 cellules. Certaines servant d’infirmerie, de lingerie, de chapelle…, il en restait environ 35 pour les prisonniers … Une dizaine de cellules plus petites étaient réservées aux femmes dans une aile distincte face à la porte d’entrée. Les détenus qui pouvaient payer accédaient à plus de confort dans les cellules à « pistoles » (monnaie de l’époque). La prison fonctionna de 1841 à 1951. Dans un numéro de Bretagne - Ile de France, on peut lire : « Il y avait deux sortes de’pensionnaires’, les condamn » s et les pr » venus. Les premiers travaillaient, le lin essentiellement. C’ » tait Thierry Jeandot des colporteurs, mendiants, vagabonds, journaliers agricoles, domestiques… tous plus pauvres et plus mis » reux les uns que les autres… Accus » s de petits larcins, escroquerie, coups et blessures… Les peines » taient disproportionn » es… Isabelle de Plouisy, filandière, condamn » e à 18 mois de prison pour le vol d’un kilo de savon…" Il y eut trois tentatives d’évasion, mais les détenus furent repris à chaque fois. Une prison sur le modèle américain Dans les années 1830, il fut procédé à une réforme des prisons départementales. Elle fut précédée d’une mission d’observation des modèles pénitentiaires des États-Unis, confiée à Alexis de Tocqueville, juriste et homme politique. Il publia en 1833 un rapport Du système pénitentiaire aux États-Unis et son application en France. Des magistrats se rendirent ensuite sur place pour effectuer des relevés dans les prisons visitées par Tocqueville. La prison de Guingamp, qui ne compte que des condamnés à de courtes peines, est donc la première construite sur ce modèle « pennsylvanien », qui prônait la séparation totale des détenus et l’isolement cellulaire, le prisonnier étant dans une cellule individuelle, jour et nuit, afin d’éviter la contamination qui favorise la récidive. Le gouvernement français adopta ce système malgré des divergences sur l’isolement des individus ; certains y voyaient un moyen de moralisation, d’autres l’aggravation de la peine et le manque de résultats sur les mœurs des prisonniers. Rappelons que dans d’autres établissements, les détenus sont encore regroupés dans des dortoirs. Le Briochin Charles Lucas, inspecteur général des prisons, adversaire de la peine de mort, consacra sa vie à imposer un meilleur système carcéral. C’est d’ailleurs lui qui commanda à Tocqueville Le renouveau du système carcéral « Un des premiers établissemle fameux rapport sur les prisons outre- Atlantique. Entre autres choses, on lui doit la « voiture cellulaire » (le fourgon d’aujourd’hui) et le judas. L’architecte Louis Lorin (1781-1846), qui étudia les projets des prisons de Loudéac et de Saint-Brieuc, est responsable du chantier de Guingamp que la municipalité fait démarrer en 1836. On a définitivement abandonné la prison insalubre qui était alors installée dans les locaux de l’ancien couvent des Carmélites. Rue Pavie, les bâtiments sont protégés par une double enceinte formant un « chemin de ronde » large de 3,40 mètres. À l’entrée, la cuisine, le logement du gardien chef. Neuf courettes, qui ne communiquent pas entre elles, entourent l’édifice. L’architecture est conçue pour que les prisonniers ne puissent ni se voir ni communiquer. Les cellules, sur deux niveaux, donnent sur une cour intérieure rectangulaire, leurs portes s’ouvrant sur des galeries soutenues par des colonnes. Colonnes et balcons sont en bois peints en bleu, une frise orne les murs blanchis à la chaux. L’architecture de la prison, copie de celle d’Auburn aux USA, se distingue, car elle est unique en son genre en France. Elle sera désaffectée en 1951 et deviendra propriété de la Ville en 1992. La prison a accueilli des prisonniers de droit commun jusqu’en 1934. Par la suite, y furent hébergés des réfugiés politiques espagnols fuyant la dictature de Franco (photo en haut à droite). Rares sont les témoignages. Albert Le Moal se souvient. Sa mère étant gardienne, il passait ses journées à la prison avec elle ; il avait cinq ans. « Seul le gardien chef, M. Panier, est log ». Je n’ai pas vu les r » fugi » s espagnols h » berg » s à la prison, mais dans la cour, il reste la trace des jardinets qu’ils ont install »s. On voit encore l’emplacement de la pompe où ma mère accompagnait les femmes tôt le matin. Elles prenaient de l’eau et allaient faire leur toilette dans la’Chambre d’instruction’au rez-de-chauss »e. Elles avaient leur propre cour et aucune fenêtre des cellules hommes
Patrimoine > n°115 | décembre 2012 31ée On voit surtout des femmes et des enfants parmi les réfugiés espagnols accueillis à Guingamp. ents d’enfermement individuel » Thierry Jeandot ne donnait de leur côt ». Les d » tenus » taient plusieurs par cellule et dormaient dans des hamacs au d » but. À partir de l’Occupation, les Allemands y enfermaient les patriotes. Je servais d’interm » diaire entre eux et leur famille. Personne ne me soup « onnait. Mais, à partir de 1943, les prisonniers revenaient dans un triste » tat des interrogatoires qui avaient lieu à la Kommandantur. Nous avons » t » donn » s et j’ai dû m’enfuir en mars 1943. Ma mère s’est cach » e aussi ». Pendant l’Occupation, des résistants y furent enfermés. Ce fut le cas de Denise Le Flohic qui vit à Ploumagoar et d’Hélène Le Chevalier, qui épousa Jean Lejeune, commandant des FTP-FFI en Côtes-du-Nord. Hélène Le Chevalier (1917-2006, députée de 1946 à 1951), arr’tée à Kergrist-Moëlou en mars 1943, fut internée cinq mois à la prison de Guingamp. Dans Les cahiers de la résistance populaire, Des femmes dans la Résistance, Côtes-du-Nord, elle raconte : « En prison, à Guingamp, je continuais mes lectures, Louis Guilloux m’avait prêt » quelques ouvrages… et j’avais pris mes gros bouquins de philosophie en pr » vision de la 2 e partie de mon bac. J’ » tais en contact avec les prisonnières de droit commun. Elles m’ont donn » quelquefois à manger par la fenêtre… ». D’autres résistants eurent moins de chance, certains furent fusillés, d’autres déportés vers les camps de concentration en Allemagne après avoir été torturés. C’est le cas de deux très jeunes résistants, Charles Queillé et Paul Bernard, arr’tés en avril 1944 et fusillés le 18 mai 1944. Paul Bernard a écrit une chanson-poème à sa famille avant de mourir : « Dans cette prison de Guingamp, qui ressemble à celle de Châteaubriant, un jeune homme de 19 ans ne pense qu’à sa maman... À tous mes camarades de France, je crie : combattez jusqu’à la mort, pour que bien vite elle ait sa d » livrance. Je vous adresse mon sublime adieu avant d’être fusill » …(extraits) ». Sur l’air de Paquita de Tino Rossi. Joëlle Robin Thierry Jeandot D.R. Vidéo sur cotesdarmor.fr À voir/À écouter Sources : Analyse des architectes des bâtiments de France et deux numéros de la revue des Amis du Patrimoine de Guingamp La prison cellulaire (1832-1934), n°31, décembre 2001 et n°32, juin 2002, Jeannine Grimault. Le système carcéral en France aujourd’hui• 99 maisons d’arr’t pour les prévenus, et les condamnés à une peine courte. Le taux d’occupation moyen est de 130%.• 85 établissements pour les condamnés à de longues peines.• 25 centres de détention pour les détenus « réinsérables ».• 6 centrales, pour les détenus dangereux.• 11 centres de semi-liberté pour les détenus bénéficiant d’un aménagement de peine.• 43 centres pénitentiaires qui peuvent abriter une maison d’arr’t, un centre de détention et/ou une centrale.• 6 établissements pour mineurs, ouverts depuis 2008, accueillant chacun une soixantaine de détenus. L’établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF) est réservé à l’hospitalisation hors urgence et hors psychiatrie des condamnés et prévenus. Au 1 er janvier 2012, on compte 191 établissements, soit 57 236 places pour 65 000 détenus. Thierry Jeandot



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :