24 Actions Côtes d’Armor M A G A Z I N E Il y a un peu plus d’un an, le Conseil général confiait au Centre de recherche bretonne et celtique de l’université Rennes II la réalisation d’une étude visant à comprendre comment les agriculteurs du département perçoivent leur profession et ses enjeux. Cette enqu’te a été réalisée par Margaux Calmel, sous la direction de Ronan Le Coadic, dans le cadre d’un travail préparatoire à une thèse. Au premier plan, Margaux Calmel, qui a réalisé cette étude sur les agriculteurs costarmoricains. Au second plan, Elodie Jimenez, qui va approfondir ce travail sous la forme d’une thèse. Thierry jeandot Enqu’te sur le ressenti des agriculteurs costarmoricains Une profession à la croisée des chemins > Les agriculteurs costarmoricains L i lt t à la croisée des chemins 8% de la population active costarmoricaine Un autre trait saillant de l’étude menée par Margaux Calmel est de montrer en quoi l’agriculture costarmoricaine, et plus largement bretonne, s’interroge sur sa place au sein de la société. L’enqu’te rappelle ainsi que m’me si dans les Côtes d’Armor, la population agricole représente 8% de la population active (contre 4% au niveau national), les agriculteurs, autrefois majoritaires, constituent à présent une minorité parmi d’autres. A cela s’ajoutent les nouvelles demandes de la société qui remettent en question le modèle agricole breton. Par ailleurs, 62% des agriculteurs déclarent que la société leur renvoie une image négative de leur profession. Un chiffre qu’il faut cependant nuancer, car ils sont dans le m’me temps 77% à déclarer que la population locale leur renvoie une image positive. Ils considèrent que les Bretons connaissent le métier, car il arrive fréquemment qu’ils aient au moins un agriculteur parmi les membres de leur famille. « Même si c’est peut-être de plus en plus difficile, il faut savoir s’adapter », raconte Pierre, 52 ans, éleveur de bovins et de porcs. Cette phrase, placée en exergue de l’étude sociologique réalisée par Margaux Calmel, ré - sume bien la situation de nombreux agriculteurs, déstabilisés par les transformations du métier, mais également soucieux de regagner en autonomie. « On retrouve un sentiment de perte de maîtrise dû aux aides Pac, aux contrôles, ou encore au poids de l’industrie agroalimentaire qui fait que certains agriculteurs voient leur rôle limit » à la tâche de production », explique notamment Margaux Calmel, dont l’étude révèle par exemple que 87% des exploitants interrogés se disent stressés par les contrôles auxquels ils sont soumis. Nouveaux enjeux À l’origine de cette enqu’te sociologique, il y a une volonté des élus du Conseil général, souvent interpellés par les organisations professionnelles agricoles, de prendre la mesure de ce que d’aucuns appellent le « malaise agricole », thème récurrent qui a connu son apogée avec la forte médiatisation du problème des algues vertes durant l’été 2011. Au fil de l’enqu’te, cette notion de malaise agricole a été nuancée, pour évoluer vers le ressenti des agriculteurs dans le cadre de leur profession. « Bien que certaines personnes interrog » es au cours des entretiens exploratoires ne remettent pas en question la notion de malaise agricole, la majorit » s’accorde à dire qu’elle relève plutôt d’un discours utilis » par les organisations professionnelles dans un but unificateur que d’un propos des exploitants eux-mêmes », écrit ainsi Margaux Calmel, qui préfère insister sur le fait que la profession fait face à de nouveaux enjeux et se trouve à un tournant. Pour mener son étude, Margaux Calmel a réalisé une enqu’te exploratoire, une enqu’te qualitative et une enqu’te quantitative. Cette dernière s’est appuyée sur un questionnaire envoyé à 2 000 agriculteurs. Le taux de réponses a été de 36,7%. « Nous avons » t » surpris car nous nous attendions à un taux de 30%. Je crois que nous sommes tomb » s à un moment où les agriculteurs avaient besoin de se sentir » cout »s, valoris »s. C’ » tait pour eux une bonne occasion de dire ce qu’ils pensaient ». Plusieurs enseignements peuvent’tre tirés de ce travail. Il met d’abord l’accent sur la pluralité d’une profession. En effet, de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique, en passant par l’agriculture raisonnée, les systèmes sont divers et les exploitants agricoles disent par ailleurs se reconnaître davantage dans « Le seul métier où c’est le client qui envoie la facture » leur filière de production que dans le métier lui-m’me. Autre enseignement : la profession est déstabilisée par les transformations du secteur. Concurrence internationale, instabilité des revenus, bureaucratisation ont généré incertitudes et pertes de repères. Un contexte qui voit en outre le modèle traditionnel breton (axé sur le productivisme) remis en question et concurrencé par une pluralité de modèles. Face à ces bouleversements, apparaissent de nouvelles stratégies pour regagner en autonomie. « Certains d » cident de vendre une partie de leur production en circuit court ou encore de faire des chambres d’hôtes. ‘D » sormais c’est moi qui fais le prix’, nous disent-ils. Il faut bien voir que l’agriculture est le seul m » tier où c’est le client qui envoie la facture… », tient à rappeler Margaux Calmel, qui à travers son enqu’te a pu aussi constater que si 51% des agriculteurs ont confiance en leur propre avenir, ils ne sont que 34% à avoir confiance en l’avenir de l’agriculture bretonne. Ce travail va désormais’tre prolongé par la réalisation d’une thèse de doctorat par Elodie Jimenez, toujours dans le cadre d’un partenariat entre le Conseil général et l’université Rennes II. Laurent Le Baut |