22 Rencontre Côtes d’Armor M A G A Z I N E Rencontre avec les gens d’ici Hervé Boivin, dessinateur de BD à Moncontour L’aventure au bout du pinceau C’est une petite maison au détour d’une venelle, en contrebas de la cité médiévale de Moncontour. Ici, Hervé Boivin travaille d’arrache-pied à son prochain album. Du lycéen briochin qui publiait un fanzine, au bédéiste reconnu et convoité, il a tracé sa route avec la m’me passion que celle qui guide son pinceau. C Albums disponibles• Aux éditions Delcourt, les quatre tomes de la série Le sabre et l’épée, 12,90 € l’album.• Chez Dargaud, les deux premiers tomes de WW 2.2 : La bataille de Paris (Chauvel-Boivin-Henninot), 9,99 € ; Opération Félix (Robledo- Toledano), 13,99 €. oncentré, la t’te penchée à quelques centimètres de sa planche – tel un gamin qui s’essayerait à ses premières lignes d’écriture – Hervé Boivin retrace à l’encre de chine les dessins crayonnés d’une des 60 pages de son prochain album. À la plume, il préfère le pinceau. « Parce que le r » sultat est plus fin ». D’un geste sûr et souple, il donne vie à des visages, des expressions, des gestes, des décors. « Il faut compter un an de travail pour un album ». Oui, un an. « David (Chauvel, son scénariste fétiche) me livre d’abord le ‘d » coupage’, une description page par page de l’histoire. Alors je dessine le storyboard, une première » bauche d » jà très travaill » e de l’ensemble de l’album, pour laquelle David me laisse une grande libert » d’expression. Puis on se cale ensemble sur le story-board d » finitif et j’attaque au crayon le dessin des personnages, dans toutes les situations que l’on retrouvera dans l’album, sans oublier les d » cors. Ce n’est qu’ensuite que je remets tout cela en scène, toujours au crayon, dans les cases, puis je passe à l’encrage, avant d’envoyer mes planches chez le coloriste ». Hervé ne doit rien laisser au hasard. C’est particulièrement vrai depuis qu’il s’est lancé dans cette série, WW 2.2 (*) , qui a pour cadre la Seconde Guerre mondiale, nécessitant beaucoup de recherches documentaires. « Internet facilite beau - coup les choses, mais pour les deux tomes qui m’ont » t » confi » s et qui se d » roulent à Paris, j’ai dû aller sur place faire des rep » rages, prendre des photos ». Thierry Jeandot La rencontre déterminante avec son scénariste David Chauvel Brusque retour, 30 ans en arrière. « Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours dessin ». À 11 ans, j’ai dit à mon père ‘Quand je serai grand, je ferai de la BD’. Au lyc » e Ernest-Renan à Saint-Brieuc, j’ai pass » mon bac A3, option dessin. J’y avais aussi cr » » un fanzine avec trois copains qui sont tous devenus illustrateurs ». Il suit également des stages animés par Emmanuel Lepage, un autre grand nom de la BD costarmoricaine. Puis il s’inscrit aux beaux-arts de Rennes, où il rencontre le scénariste quimpérois David Chauvel. « Il » tait d » jà bien install » dans le milieu de la BD. Je lui ai montr » mes dessins et il m’a propos » de travailler avec lui sur Trois allumettes, un polar intimiste en noir et blanc ». Amitié, complicité, Chauvel devient le scénariste attitré de Boivin. Dans les années 2000, ils publient Lili & Winker, deux albums, toujours en noir et blanc, à l’atmosphère som - bre et fantastique… « Quand je serai grand, je ferai de la BD » Des premières esquisses au dessin définitif, Hervé Boivin reconnaît prendre autant de plaisir à chaque étape de ce très long processus de création. succès d’estime pour le moins confidentiel, « Mais pas de quoi en vivre ». Les deux compères opèrent alors un tournant radical. « C’ » tait « a ou bien je courais au suicide professionnel ». Ils se lancent dans une grande épopée beaucoup plus grand public : la superbe série Le sabre et l’épée (encore disponible), quatre albums d’aventures inspirées des films de samouraïs, des bijoux du genre. Les lecteurs sont nombreux au rendezvous. Publiée chez Delcourt, cette saga permet enfin à Hervé de faire de la BD son vrai métier. Aujourd’hui, le voilà embarqué, toujours avec Chauvel, dans une nouvelle aventure. Dargaud décidait l’an dernier de confier à plusieurs auteurs et dessinateurs la réalisation d’une collection baptisée WW 2.2, uneuchronie en sept tomes de la Seconde Guerre mondiale. L’uchronie consiste à modifier des événements de l’Histoire, pour en restituer une version tout autre. Chaque album est une histoire à part entière qui peut se lire indépendamment des autres. Chauvel et Boivin se voient confier le premier et le dernier tome. Sorti cet été, le premier album, La ba - taille de Paris, commence par les confidences d’un jeune Allemand qui ra conte comment, en novembre 1939, il a assassiné Hitler. Pour autant, la guerre a bien lieu. L’action a pour théâtre un Paris déserté de ses habitants, où une section de soldats français attend l’arrivée des Allemands... Fini de parler. Hervé replonge son pinceau dans l’encrier et se penche à nouveau sur sa planche. Il doit livrer dans les temps le septième et dernier volume de WW 2.2, Paris, mon amour, à paraître en octobre 2013, « et je suis d » jà un peu charrette... ». Bernard Bossard (*) WW 2.2, comme World War 2.2 : en français, Seconde Guerre mondiale, version 2. |