12 Dossier Côtes d’Armor M A G A Z I N E Rémi Mer, consultant, spécialiste de l’agriculture. Le malaise agricole à l’étude Face au ressenti de la population agricole envers la société laissant poindre un mal-être, le Département a lancé en novembre 2011 une analyse sociologique sur le « malaise agricole ». Cette étude, entreprise en partenariat avec l’université de Rennes 2 – dans le cadre du projet « Côtes d’Armor, territoire de recherche » – a pour objectif de cerner la nature du problème, ses origines, sa structuration, et d’envisager des pistes de réponses. Durant 11 mois, des entretiens avec des experts, des exploitants et l’envoi de questionnaires ont permis de réaliser une première synthèse fin septembre 2012. À partir de cette première étape et tenant compte de ses conclusions, un travail plus approfondi relevant d’une thèse de trois ans vient d’être engagé. … Un métier à la croisée des chemins Profession agriculteur Mettre en avant la contribution de l’agriculture à notre économie Rémi Mer. Par ailleurs, un atelier qui grandit implique le recours au salariat (2), une dépendance plus forte vis-à-vis de l’emploi et un mode de production différent, notamment dans les productions porcines ». Conjointement, la nouvelle donne économique et la libéralisation des marchés accentuent l’enjeu de compétitivité des exploitations. D’où une plus grande spécialisation des ateliers. Dans les grandes filières, les agriculteurs sont dans leur majorité devenus de véritables spécialistes, adoptant des techniques de production particulièrement pointues. En parallèle, les nouvelles générations se portent sur d’autres modèles. « Chez les jeunes, on constate des ins tallations dans des pe tites filières et une diversification plus forte, note le consultant. Ils sont davantage orientés vers la production biologique, la vente directe, ou s’installent sur de plus petites structures ». Contrairement à d’autres régions, la vente directe est peu développée en Bretagne. C’est sans aucun doute le contrepoint d’une agriculture intensive autour des grandes filières de productions animales et des cultures légumières. « C’est un des grands paradoxes de l’agriculture bretonne. Organisée pour le marché de masse et, bien quelle dispose de bons produits, elle a peu développé les signes de qualité, les AOC, etc. C’est un des enjeux d’avenir ». La question de la reconnaissance Rares sont les professions qui, en deux générations, auront connu une telle bascule. Par ailleurs, de nouvelles questions se posent à eux : comment faire face à la volatilité du coût des matières premières ? Quelle est la place du travail et pour quelle rémunération ? Comment la société considèret-elle les agriculteurs ? « La question de la reconnaissance est une question forte du monde agricole, remarque Rémi Mer. Paradoxalement, ce milieu bénéficie globalement d’une bonne image dans la société, mais les paysans pensent que la société a une mauvaise image d’eux, ils doutent d’eux-mêmes ». Pour le consultant, il est essentiel de faire en sorte que leur travail soit mieux connu et reconnu par les citoyens. « Il faut mettre en place et entretenir des relations durables entre les agriculteurs d’un territoire et ses habitants. Pour cela, ils doivent d’abord retrouver confiance dans leur métier, ensuite ils doivent être capables d’expliquer leur utilité sociale ». Certes, le lait ne nous parvient pas spontanément dans des petites boîtes carrées. Mais qui sont les 4 400 producteurs de lait des Côtes d’Armor qui en sont à l’origine ? « Si, collectivement, les citoyens ne savent pas qui sont les paysans ni en quoi ils servent la collectivité, on risque de ne voir que les effets négatifs de la production, notamment les effets environnementaux, regrette Rémi Mer. Il faut être capable de mettre en avant la contribution de l’agriculture à la création de richesses, d’emplois, à l’entretien du territoire mais - d’abord et avant tout - à la production de denrées alimentaires. Cela ne signifie pas qu’il faille mettre de côté les questions environnementales, bien au contrai - re. Mais nombre d’agriculteurs ne savent plus ce qu’on leur demande, ni qui leur demande quoi. Les enjeux sont donc autant des enjeux économiques que des enjeux d’image et de reconnaissance sociale ». (2) Les salariés agricoles sont passés de 5,5% des actifs en 1998 à 16% en 2007 (Sources CAD22). |