[22] Côtes d'Armor n°114 novembre 2012
[22] Côtes d'Armor n°114 novembre 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°114 de novembre 2012

  • Périodicité : mensuel

  • Editeur : Conseil Général de Côtes-d'Armor

  • Format : (230 x 300) mm

  • Nombre de pages : 40

  • Taille du fichier PDF : 3,1 Mo

  • Dans ce numéro : profession agriculteur.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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12 Dossier Côtes d’Armor M A G A Z I N E Rémi Mer, consultant, spécialiste de l’agriculture. Le malaise agricole à l’étude Face au ressenti de la population agricole envers la société laissant poindre un mal-être, le Département a lancé en novembre 2011 une analyse sociologique sur le « malaise agricole ». Cette étude, entreprise en partenariat avec l’université de Rennes 2 – dans le cadre du projet « Côtes d’Armor, territoire de recherche » – a pour objectif de cerner la nature du problème, ses origines, sa structuration, et d’envisager des pistes de réponses. Durant 11 mois, des entretiens avec des experts, des exploitants et l’envoi de questionnaires ont permis de réaliser une première synthèse fin septembre 2012. À partir de cette première étape et tenant compte de ses conclusions, un travail plus approfondi relevant d’une thèse de trois ans vient d’être engagé. … Un métier à la croisée des chemins Profession agriculteur Mettre en avant la contribution de l’agriculture à notre économie Rémi Mer. Par ailleurs, un atelier qui grandit implique le recours au salariat (2), une dépendance plus forte vis-à-vis de l’emploi et un mode de production différent, notamment dans les productions porcines ». Conjointement, la nouvelle donne économique et la libéralisation des marchés accentuent l’enjeu de compétitivité des exploitations. D’où une plus grande spécialisation des ateliers. Dans les grandes filières, les agriculteurs sont dans leur majorité devenus de véritables spécialistes, adoptant des techniques de production particulièrement pointues. En parallèle, les nouvelles générations se portent sur d’autres modèles. « Chez les jeunes, on constate des ins tallations dans des pe tites filières et une diversification plus forte, note le consultant. Ils sont davantage orientés vers la production biologique, la vente directe, ou s’installent sur de plus petites structures ». Contrairement à d’autres régions, la vente directe est peu développée en Bretagne. C’est sans aucun doute le contrepoint d’une agriculture intensive autour des grandes filières de productions animales et des cultures légumières. « C’est un des grands paradoxes de l’agriculture bretonne. Organisée pour le marché de masse et, bien quelle dispose de bons produits, elle a peu développé les signes de qualité, les AOC, etc. C’est un des enjeux d’avenir ». La question de la reconnaissance Rares sont les professions qui, en deux générations, auront connu une telle bascule. Par ailleurs, de nouvelles questions se posent à eux : comment faire face à la volatilité du coût des matières premières ? Quelle est la place du travail et pour quelle rémunération ? Comment la société considèret-elle les agriculteurs ? « La question de la reconnaissance est une question forte du monde agricole, remarque Rémi Mer. Paradoxalement, ce milieu bénéficie globalement d’une bonne image dans la société, mais les paysans pensent que la société a une mauvaise image d’eux, ils doutent d’eux-mêmes ». Pour le consultant, il est essentiel de faire en sorte que leur travail soit mieux connu et reconnu par les citoyens. « Il faut mettre en place et entretenir des relations durables entre les agriculteurs d’un territoire et ses habitants. Pour cela, ils doivent d’abord retrouver confiance dans leur métier, ensuite ils doivent être capables d’expliquer leur utilité sociale ». Certes, le lait ne nous parvient pas spontanément dans des petites boîtes carrées. Mais qui sont les 4 400 producteurs de lait des Côtes d’Armor qui en sont à l’origine ? « Si, collectivement, les citoyens ne savent pas qui sont les paysans ni en quoi ils servent la collectivité, on risque de ne voir que les effets négatifs de la production, notamment les effets environnementaux, regrette Rémi Mer. Il faut être capable de mettre en avant la contribution de l’agriculture à la création de richesses, d’emplois, à l’entretien du territoire mais - d’abord et avant tout - à la production de denrées alimentaires. Cela ne signifie pas qu’il faille mettre de côté les questions environnementales, bien au contrai - re. Mais nombre d’agriculteurs ne savent plus ce qu’on leur demande, ni qui leur demande quoi. Les enjeux sont donc autant des enjeux économiques que des enjeux d’image et de reconnaissance sociale ». (2) Les salariés agricoles sont passés de 5,5% des actifs en 1998 à 16% en 2007 (Sources CAD22).
Dossier > n°114 | novembre 2012 13 Transformation à la ferme à Trégornan-en-Glomel Redevenir paysan D Il a fallu la crise laitière de 2009 pour que Dominique et Stéphane Mestric remettent sérieusement en question leur activité. Bien décidés à gagner en autonomie et à redonner un sens à leur métier, ils s’orientent désormais vers la transformation et la vente à la ferme. ans cette exploitation familiale dotée d’une cinquantaine de vaches, le couple et ses quatre enfants représentent la troisième génération, installée depuis 25 ans. En 2009 le prix d’achat du lait a baissé de près de 50%, les conduisant à produire à perte. « Comme beaucoup de paysans, nous avons dû jeter notre lait pendant huit jours, se souvient Dominique Mestric. On ne savait plus pourquoi on se levait le matin. « Nous payons ce qu’ont fait nos parents » Nous étions complètement bouleversés, j’ai jeûné avec d’autres femmes à Rostrenen… Pour nous c’était la fin ». Histoire de voir ce que cela peut donner, Dominique fabrique alors du beurre après avoir déniché une vieille écrémeuse. L’entourage apprécie. Elle installe alors un panneau au bord de la route : « Donne du lait, vend de la crème et du beurre ». Les habitants de Trégornan répondent présents et permettent à Dominique d’envisager sa nouvelle activité qui prend le nom de « Laiterie de Trégorn », en remerciement. « Ils ont été patients car au début, il y a eu des ratés, poursuit-elle. Comme nous n’avions plus de revenus, nous vivions uniquement avec le beurre que je fabriquais, soit 70 € par semaine pour six pendant un an ». Volontaire et n’étant pas de nature à baisser les bras, elle s’inscrit à une formation pour fabriquer du fromage, monte un laboratoire au sein de l’exploitation et ouvre officiellement ses portes en mars 2011. « Je ne souhaitais pas vendre uniquement mes produits, d’autant que dans le même temps, les commerces de Trégornan ont fermé. Du coup j’ai ouvert une épicerie à la ferme. Mais je n’y vends que des produits fabriqués par des paysans bretons que je connais et dont j’apprécie la qualité ». Des pâtes, de la charcuterie, du cidre, du miel, du vinaigre… On constate dans sa boutique toute la richesse des produits locaux. mains des industriels et des remplisseurs de papiers devant justifier le moindre de nos actes. Nous payons ce qu’ont fait nos parents, qui manquaient de formation et écoutaient les commerciaux qui leur vendaient des produits de traitement, des engrais… Ils en ont trop fait, c’est vrai. Mais nous, nous savons plus de choses et nous travaillons différemment. Davantage dans l’esprit du meilleur rapport qualité-prix que du meilleur rendement à l’hectare. Alors oui, nous avons des subventions et heureusement. Car aujourd’hui, notre litre de lait nous coûte 30 centimes et on nous le paye… 30 centimes ! Sans la PAC, on arrêterait ». Se définissant comme réaliste mais positive, Dominique Mestric est déterminée à poursuivre dans cette nouvelle voie. Certes, avec 60 000 € d’investissements à rembourser, son activité ne dégage pas encore de salaire, mais cela ne l’empêche pas d’envisager de se lancer bientôt dans la confection de camembert. « Ici, il y a un terroir et il faut que mon fromage reflète ce terroir. Aussi, j’explique aux gens qu’il ne faut pas le manger avec du vin mais avec du cidre. C’est ce que nous faisons et c’est excellent ! » Dans sa fromagerie, Dominique fabrique de la tome de pays, du beurre, de la crème fraîche, du fromage blanc nature ou aromatisé et de la faisselle. Les aides du Département Soucieux d’accompagner le secteur agricole dans ses mutations et conscient des enjeux sociaux, économiques et environnementaux, le Département a, depuis de nombreuses années, mis en place une aide spécifique à la diversification et à la réorientation des productions agricoles. Cette aide s’adresse à tout projet collectif porté par les coopératives, associations ou groupements de producteurs, répondant aux objectifs suivants : diversification des productions, démarche de qualité, démarche d’agriculture durable, organisation de filières de qualité. Cette aide vient compléter d’autres dispositifs départementaux : prêts et aides pour l’installation, la transformation à la ferme, la mise en œuvre de mesures agro-environnementales, etc. Le Département dispose également d’un fonds d’aide aux agriculteurs en difficulté. cotesdarmor.fr « Quand on transforme, on se sent à nouveau paysan » Dans la fraîcheur de sa cave, Dominique Mestric retourne d’un geste caressant et ferme les tomes qui poursuivent leur affinage. Ici, elle retrouve le plaisir du métier et la reconnaissance dans le contact direct avec ses « clients ». « Nous produisons 370 000 litres de lait pour la laiterie Triskalia et 30 000 litres que je transforme. Mais si j’avais su, à notre installation, je me serais contentée de 20 vaches et j’aurais tout transformé. Quand on transforme, on se sent à nouveau paysan. Au départ, nous étions des paysans, mais en quelques années, ça n’a plus été le cas. Nous sommes devenus des pions dans les



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