[17] La Charente Maritime n°45 déc 12/jan-fév 2013
[17] La Charente Maritime n°45 déc 12/jan-fév 2013
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°45 de déc 12/jan-fév 2013

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Conseil Général de la Charente Maritime

  • Format : (265 x 352) mm

  • Nombre de pages : 16

  • Taille du fichier PDF : 8,9 Mo

  • Dans ce numéro : bonne année 2013.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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8 PATRIMOINE Notre-Dame de Royan le béton fait foi « Cette église a beau être de béton, disait François Mauriac, elle nous arrive pourtant du fond des siècles, elle participe de styles auxquels elle n’a rien emprunté ». Défiant les limites des techniques de construction de l’époque, ce chef-d’œuvre de l’architecte Guillaume Gillet est le symbole de la reconstruction de Royan, dévastée par les bombardements de 1945. Comme beaucoup d’églises bâties après guerre, Notre-Dame de Royan abandonne le plan traditionnel en croix. Gillet choisit une forme en « mandorle » (amande) pour la nef 1, croisement de deux segments de cercle symbolisant l’union de la terre et du ciel. L’église est bâtie dans un vaste espace triangulaire descendant vers le centreville. Gillet utilise cette pente en plaçant paradoxalement le chœur 2 (et non l’entrée) au point le plus bas du terrain qui regarde vers la ville. Autre paradoxe, il le surmonte du clocher 3, alors que celuici est traditionnellement vers l’entrée. En pénétrant dans l’église, on surplombe donc la nef et le chœur vers lesquels on descend par un large escalier 4. 7 Max Brusset (à droite) et Guillaume Gillet, débattent de la première version du projet. 9 e suis en séance de conseil « J municipal. Je vous demande de proposer des plans pour notre nouvelle église. Ce n’est pas un concours, ce n’est pas non plus une commande, c’est une consultation à vos risques et périls. Je vous donne 15 jours pour répondre, c’est-à-dire apporter des plans. Acceptezvous ? » À ce coup de fil de Max Brusset, maire de Royan, reçu à l’improviste l’hiver 1954, Guillaume Gillet répond oui sans hésiter. Dès le lendemain, il débarque dans la ville et prend « des croquis du terrain vague » où le plan d’ensemble dressé par le ministère de la Reconstruction a prévu d’édifier ce qui remplacera l’église Notre-Dame, détruite comme presque toute la ville par le bombardement de janvier 1945. Gillet connaît bien les lieux : enfant, il y allait en vacances et depuis 1949, il est l’un des « architectes-reconstructeurs » de ce « paysage lunaire de cratères et de tas de cailloux » où « on circulait à bicyclette par des pistes de fortune qui devaient éviter les rivages encore truffés de mines et de chevaux de frise ». Résultat : des croquis, « des esquisses de plan ovale » qu’il montre au maire, Max Brusset, élu l’année précédente. « Faites-moi une église plus haute que cela, s’enthousiasme Brusset, le plus haut possible ! Je veux que Royan ne soit plus une ville couchée mais une ville debout : redressez-la par la silhouette de l’église. » Comme l’écrivit plus tard Gillet, « cette indication, avec celle du crédit de dommage de guerre (100 millions d’anciens francs), fut tout le programme... » Il retourne à Paris, appelle son ami l’ingénieur Bernard Laffaille, concepteur des poteaux de béton « en V » qui portent son nom. Sur la nappe de papier d’un bistrot, les poteaux montent à 50 mètres, l’échelle « des nefs de cathédrale et des chênes de nos forêts ». Gillet retourne à Royan avec des esquisses qu’il soumet à la commission des travaux et à l’évêque de La Rochelle qui commente simplement : « Je ne vois pas très bien ce que ce sera, mais ça a l’air d’une église ». Monseigneur Bouin, le curé-doyen de l’église, qui avait passé 3 jours sous ses décombres avant d’accueillir vertement ses sauveteurs, sera plus dur à convaincre et, raconte Gillet, « ne cessa de se plaindre et de me gronder jusqu’au jour où, le chantier prenant forme et les colonnes commençant à monter dans l’espace, il me dit avec un tendre sourire de connaisseur et me couvant d’un clin d’œil complice : « Maintenant, je vois ce que vous m’avez fait : vous m’avez fait une nef du XV e ». 8 10 4 11
9 La structure de l’église repose sur les poteaux de béton « en V » 5 conçus par Bernard Laffaille. Gillet avait déjà travaillé en 1953 avec Laffaille sur un projet de théâtre (sa grande passion) à Valenciennes et Laffaille venait de participer à la construction d’une église à Bizerte (Tunisie), utilisant pour la première fois ses poteaux. En couverture, un voile mince (8 cm) 6 en « selle de cheval » lié par des armatures métalliques à un anneau périphérique en béton armé 7, appuyé lui-même sur les poteaux « en V ». Des escaliers extérieurs 8 permettent d’accéder aux coursives 9, le plus petit 10 permet l’accès à la tribune d’orgue. 3 6 Ci-dessus, le poteau en « V » de l’ingénieur Bernard Lafaille (haut de page), et Lafaille (à gauche) et René Sarger en discussion autour de la première maquette. 15 8 14 Ci-contre, l’autel extérieur et le vitrail de Claude Idoux. 14 étain martelé est installé au-dessus de l’entrée en 1964 (mais il ne sera complet qu’en 1984). Le manque de travaux d’étanchéité endommage rapidement le bâtiment et entraîne plusieurs campagnes de restauration, particulièrement pour le sommet des poteaux et le clocher. Celuici, déformé par le vent et le mouvement des cloches, a nécessité la construction d’un nouveau beffroi en bois, indépendant de la structure en béton. À la mort de Guillaume Gillet en 1996, son vœu de reposer dans l’église qui a lancé sa carrière est exaucé. 1 16 5 13 2 12 À cause des contraintes de temps et d’argent, le chantier commencera en juin 1955 sans que les dimensions de l’ensemble ne soient encore fixées. Au printemps 1957, le verdict tombe : pas assez d’argent pour les tailles prévues initialement. Les poteaux feront 36 mètres au lieu de 50, le clocher 56 mètres au lieu de 86. En 1955, Laffaille meurt et c’est son élève, René Sarger, qui prend sa suite et conçoit les bas-côtés obliques au pied des poteaux : les « V Lafaille » sont contrebutés par des contreforts plats 11 et inclinés qui forment la couverture du déambulatoire 12 et de la mezzanine 13 qui ceinturent l’ensemble. Bénie le 10 juillet 1958, l’église n’est en fait pas vraiment finie, le budget trop serré n’ayant pas permis de financer la décoration et les travaux d’étanchéité. Si la verrière du chœur 14 (le vitrail de la Vierge) est posée dès 1958 par Claude Idoux, Gillet a plus de mal à imposer celui qu’il a choisi pour les verrières supérieures et les vitraux 15 : « le très modeste et simple » Henri Martin Granel, qui avait déjà travaillé avec Laffaille à Bizerte, et qui installe à partir de 1965 un « appareillage en dalle de verre, une grisaille colorée qui se marie discrètement à l’architecture ». Plus bas, les vitraux en losange 16 composent un chemin de croix original. Le grand orgue Boisseau entièrement en À lire : « Notre-Dame de Royan. Guillaume Gillet, architecte », textes recueillis et présentés par Rose Gillet, éditions Bonne Anse 2008. Merci à l’ADER (Association pour la défense de l’Église de Royan pour son aide : www.notre-dame-royan.com Texte : Jean de Saint Blanquat, Illustrations : Philippe Biard.



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