[13] Accents n°217 mai/jun 2013
[13] Accents n°217 mai/jun 2013
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°217 de mai/jun 2013

  • Périodicité : bimestriel

  • Editeur : Conseil Général des Bouches-du-Rhône

  • Format : (210 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 6,3 Mo

  • Dans ce numéro : innovation : les racines du futur.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 4 - 5  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
4 5
Photo : C. Rombi Né au Caire, scolarisé chez les frères dominicains, ayant vécu en Israël, passé par Cambridge, Montréal et Oslo, parlant arabe, hébreu et anglais, Yehezkel Ben Ari est un chercheur français peu commun. 4 ACCENTS n°217 Interview RecherCHE ET THérAPEuTIQue LES NEurONES ONT uNE HISTOIre Neurobiologiste de renommée internationale, Yehezkel Ben Ari a réuSSi en 2004 à délocaliser son laboratoire parisien de l’Insermet sa quarantaine de CHerCHeurs à Luminy pour y créer l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (inmed). Lequel est devenu un centre de reCHerCHes et de formation reconnu où SCience rime avec conSCience. Accents : Vous êtes le père de l’INMED, une structure de recherche très originale. Quels en sont les fondements ? Yehezkel Ben-Ari : J’ai voulu répondre à une question : qu’est-ce que la science peut aujourd’hui apporter à la société ? Et j’ai voulu rompre avec le modèle actuel d’une recherche de plus en plus tournée vers la technologie et de moins en moins vers les nouveaux concepts. Les chercheurs n’ont plus le temps de réfléchir, étant accablés par toute une paperasserie inutile, une tyrannie de l’évaluation qui cantonne chacun dans sa petite boutique. A. : Et comment répondre à votre question ? Y. B-A. : J’ai réuni dans un bâtiment réalisé par un architecte de renommée mondiale toute une communauté d’intérêts autour d’un sujet, le développement du cerveau, et d’un objectif, comprendre. Dans le même couloir, quinze techniques différentes cohabitent dans l’échange permanent. J’ai également abattu la barrière qui sépare la recherche fondamentale de la recherche appliquée. Ici un étage entier est consacré au développement de nouveaux traitements. L’INMED offre également une grande place à l’art, tableaux et sculptures, parce que l’art enrichit le cerveau. Enfin, grâce à Constance Hammond, l’INMED inclut une entité unique au monde d’éducation à la science baptisée « Tous chercheurs ». A. : En quoi est-elle unique ? Y. B-A. : Chaque année, 3 000 lycéens - hier, ils arrivaient des quartiers Nord - viennent « apprendre en faisant ». Pendant trois jours, ils réalisent eux-mêmes des expériences et apprennent avec passion à construire des raisonnements. Même les lycées prestigieux comme Henri IV à Paris n’ont pas ça ! Nous recevons aussi une trentaine d’associations de malades qui viennent faire des expériences pour mieux comprendre leur maladie. Pour ces personnes, c’est énorme ! A. : Pourquoi avoir choisi Marseille ? Y. B-A. : Le Sud m’a semblé personnellement évident pour porter ce projet nouveau. Marseille est une ville qui a un potentiel important, pour les sciences et les neurosciences, malgré une grande dispersion. Ensuite, Luminy était évident pour des questions d’environnement. Nous avons tout ce que nous voulons ici. On a pu recruter du monde et essaimer. Sur la carte
des neurosciences, l’INMED s’est imposé. Mais je déplore au passage que les politiques n’arrivent toujours pas à comprendre combien la recherche est au cœur du progrès, qu’elle doit être libérée de ces carcans administratifs et combien elle a besoin de postes fixes et non de CDD avec des salaires de misère qui font honte à notre pays. A. : À l’INMED, vous mêlez recherche fondamentale et recherche appliquée. Vous sentez-vous libre de vos priorités ? Y. B-A. : Bien sûr. Il faut bien comprendre tout d’abord qu’il n’y a aucune découverte fondamentale qui ait été faite de manière programmée, télécommandée. Pas plus la pénicilline que le laser ! Un pays qui veut se maintenir à un rang élevé doit donc investir dans sa recherche indépendamment du court-termisme, des applications, des brevets, etc. Ensuite, il est absurde de penser qu’un chercheur qui fait une découverte n’a pas envie de l’appliquer, et en l’occurrence de soigner… Chez moi, les allers-retours sont incessants. A. : Au plan scientifique, quelle est votre marque de fabrique ? Y. B-A. : La thèse fondamentale de l’INMED c’est que les gènes et l’environnement sont inséparables. Nous avons ainsi démontré l’influence énorme de l’environnement, par exemple les conditions de l’accouchement, sur le développement des épilepsies précoces. Je récuse donc cette idée absurde qui veut qu’en dressant à grands frais la carte du génome humain, on pourra tout guérir. On ne comprend pas la pluie en comptant les gouttes d’eau… A. : Comment cela se traduit en termes de traitement de l’épilepsie ou de l’autisme ? Y. B-A. : Ces maladies sont dues à des déviations du programme développemental. Nous avons démontré que ces pathologies se traduisent par la présence de neurones dotés de propriétés immatures dans un cerveau adulte, se traduisant par une perturbation de son fonctionnement. J’ai proposé le concept de neuro-archéologie pour qualifier ce processus de déraillement précoce, bien avant les signes cliniques, du programme de maturation cérébrale. Cette découverte ouvre de vastes perspectives thérapeutiques basées sur des médicaments qui bloquent les courants immatures et leurs activités perturbatrices. A. : Avec quels résultats ? Y. B-A. : Après avoir obtenu des résultats intéressants dans le domaine de l’épilepsie, nous avons testé avec succès un nouveau traitement de l’autisme chez l’enfant. Nous avons fondé une jeune entreprise, pris des brevets internationaux et entrepris de faire un essai pour l’Union européenne, avec 100 gamins atteints d’autisme issus de 5 pays. Nous ne voulons pas générer de faux espoirs car nous savons combien cette maladie est douloureuse, mais nous faisons tout notre possible afin de tester cette approche le plus rapidement possible (mais cela prendra quand même quatre ans). En parallèle, je suis en train de tester l’hypothèse que cette maladie est fortement sensible à l’accouchement, avec des données qui vont je pense fortement impacter sa compréhension : les concepts innovants et audacieux sont toujours la source des traitements de demain. Propos recueillis par Jean-Michel Amitrano Photo : C. Rombi ACCENTS n°217 Interview 5



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :