“Nous allons vers un nouveau modèle d’économie et de société” Photo : J. Manchion Philippe Langevin, économiste émérite, vient de prendre la tête du Conseil départemental de concertation, organe consultatif rattaché au Conseil général et constitué de représentants de la société civile. Pour ce fin connaisseur des rouages mondiaux et locaux de l’économie, tout change en même temps, ici comme ailleurs : l’économie, le social et le rapport à l’environnement. philippe langevin enseigne l’économie à l’université aix-marseille. il a écrit ou co-dirigé plusieurs ouvrages de référence dont “l’économie en paca” (éditions de l’Aube, 2002) et “marseille, une métropole entre Europe et méditerranée” (documentation française, 2007). Accents : Pour vous, la crise n’en est pas une. Il s’agit plutôt d’une mutation. Philippe Langevin : Nous sommes à un moment charnière. Les crises successives, de natures différentes, qui se succèdent depuis le 11 septembre 2001, et un certain basculement vers une économie guerrière n’étaient en fait selon moi que des avertissements. Face à la crise dite des subprimes de 2007, on a certes pris acte de l’existence des pays émergents en créant le G20. Mais l’on a cru qu’en prenant quelques mesures, en intervenant et en s’endettant, on allait retrouver l’équilibre antérieur. Après le coup de massue, on allait se relever. Or ce n’est pas du tout ça qui s’est passé. A. : Que voit-on émerger à la place ? P. L. : Certains ont cru comparer les ruptures actuelles avec celles de la Renaissance. Mais le temps s’est incroyablement accéléré et la question des inégalités se pose bien différemment. Et c’est à la fois un nouveau modèle économique et une société plurielle qui apparaissent. Partout dans le monde se recombinent les apports de l’économie de marché et des modèles de redistribution tandis qu’émergent à la fois une économie verte et une économie sociale et solidaire. Jusqu’en Inde où, par exemple, le microcrédit joue un rôle très important. Ici, c’est un secteur privé d’intérêt général qui émerge, avec des associations qui savent à la fois être utiles et gestionnaires. C’est en combinant tout cela que l’on pourra faire face aux crises combinées des inégalités de richesse - qui vont de 1 à 15 entre arrondissements marseillais, ce qui génère un véritable éclatement de la ville. A. : À Marseille, les écarts continuent à se creuser ? P. L. : Déjà capitale des inégalités, Marseille a en plus subi durement les crises de ces dernières années. Les populations les plus pauvres, cantonnées dans des quartiers trop enclavés, ont été lourdement affectées tandis que les couches plus aisées n’ont pas été vraiment pénalisées. A. : Comment les Bouches-du-Rhône doivent-elles se positionner face à cette nouvelle donne ? P. L. : Nous devons rester dans le secteur de l’économie productive, avec de l’industrie et, dans les zones concernées, de l’agriculture. Nous limiter à de l’économie résidentielle - qui s’occupe des besoins de ceux qui résident ici -, 4 ACCENTS n°216 :: Interview |