[13] Accents n°210 avr/mai 2012
[13] Accents n°210 avr/mai 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°210 de avr/mai 2012

  • Périodicité : bimestriel

  • Editeur : Conseil Général des Bouches-du-Rhône

  • Format : (210 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,6 Mo

  • Dans ce numéro : budget 2012, plus de solidarité.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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4 DR JEAN-FABIEN SPITZ EST PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE POLITIQUE À L’UNIVERSITÉ PARIS I PANTHÉON- SORBONNE. ACCENTS n°210 Interview Indispensable solidarité contre les injustices Jean-Fabien SpitZ, philosophe, est un spécialiste de l’idée républicaine. Sa réflexion porte sur les rapports entre libertés et solidarité. Son dernier ouvrage, « Pourquoi lutter contre les inégalités ? » *, répond à des questions d’une actualité brûlante. * ED. BAYARD, COLL. LE TEMPS D’UNE QUESTION (2010) Accents : À chaque rendez-vous électoral, le modèle social français s’impose comme sujet de débat. En quoi consiste ce fameux modèle ? Jean-Fabien Spitz : Ce que l’on appelle « le modèle social français » n’est pas spécifique à notre pays. Toutes les démocraties occidentales ont développé, entre 1880 et 1950, un ensemble de dispositifs institutionnels et sociaux destinés à intégrer les classes populaires dans la démocratie : éducation publique, systèmes de santé financés par l’impôt ou par les cotisations sociales, assurance chômage, etc. Ces institutions sont nées de l’idée que l’égalité des droits ne garantit pas nécessairement une égalité raisonnable entre tous les citoyens dans l’accès aux conditions d’une existence autonome. C’est en effet la question soulevée par une société où les ressources naturelles et les moyens de travail font l’objet d’une appropriation privée. Dès lors, si l’on veut éviter que le régime de la liberté individuelle n’apparaisse comme une illusion aux yeux des plus faibles, il faut doter ces derniers de moyens de mener une existence indépendante. Si ce modèle social est mis à l’ordre du jour, c’est généralement pour être critiqué. En 2007, à la lumière de la thèse de « La France qui tombe », aujourd’hui au nom d’une comparaison avec l’Allemagne ou les pays émergents. Quel est le sens de cette récurrence ? J-F. S. : Ces dispositifs sociaux ont eu une influence particulièrement importante sous l’impact de la crise de 1929 et de ses conséquences. Mais leur mise en œuvre exige que l’on donne aux plus faibles des moyens de compensation leur permettant de conserver une certaine indépendance face à la puissance de contrainte d’une propriété de plus en plus concentrée. Or en faisant cela, on contrevient à la règle d’or des régimes libéraux : l’identité des règles pour tous. Cette entorse apparaît à beaucoup comme la principale raison de la stagnation des sociétés occidentales et ils en concluent qu’il faut revenir au marché pur. D’où la critique des modèles sociaux.
900000 600000 300000 1000 900 800 700 600 500 400 300 Milliers 9 000 8 000 7 000 0 1 237 1 351 10% les moins fortunés 1500000 1200000 « Éviter que la liberté 900000individuelle n’apparaisse 18 - 29 ans 983 60 ans ou plus comme une illusion 600000 aux yeux des plus faibles » 670 2002 381 543 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2003 7 382 2004 79 755 115 964 842 349 Entre les 40 et les 50% 2005 2006 2007 10% les plus fortunés 2002 Nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté Seuil de pauvreté : - de 795 euros par mois 2008 8 173 300000 Si notre rapport au grand marché est la clé de cette interrogation, comment expliquer qu’en bout de 8 000 chaîne ce soit le statut du bénéficiaire du RSA qui soit questionné ? J-F. S. : L’idée est que toutes les fois qu’une catégorie 7 382 sociale est plus ou moins protégée contre les lois du 7 000 marché et de la concurrence, il se créé une situation « artificielle » de rente. Une collectivité qui protège les plus faibles et leur confère des moyens d’autonomie qu’ils ne peuvent se procurer sur le marché par leurs propres efforts est ainsi accusée de fausser les lois naturelles de répartition et, pour finir, de contracter la production de richesses et de nuire à ceux qu’elle prétend aider. C’est pourquoi les ultra-libéraux veulent en finir avec les mécanismes de compensation. Évidemment, ce qu’ils refusent de dire, c’est que le premier artifice et la première situation de rente protégée, ce sont ceux dont bénéficient les possesseurs des ressources naturelles et des moyens de travail grâce au sacro saint droit de propriété. 1000 2002 La question des droits et des devoirs, notamment des bénéficiaires d’une aide sociale, est devenue une figure imposée. Est-ce à dire qu’il faut nécessairement poser des conditions au soutien, sous forme de redistribution, qui est accordé aux plus fragiles. J-F. S. : Cela voudrait dire que ceux qui ont besoin de soutien pour mener une existence indépendante sont responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent. Ou qu’il ne serait légitime de les soutenir que 2009 900 800 700 600 500 400 300 9 000 0 Milliers 670 2002 2004 18 - 29 ans 60 ans ou plus 381 983 543 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2003 2004 2010 79 755 115 964 842 349 2005 1000 60 ans plus s’ils ont fait la preuve qu’ils ont fait tout ce qui était en 8 173 900 leur pouvoir pour, comme on dit, s’aider eux-mêmes. Or c’est une vision simpliste 800 des choses, car elle attribue mécaniquement à tous 700 les 670 individus, quelle que soit leur histoire, leur formation 600 et leur situation, une égale capacité à faire les bons choix et à s’y tenir. 2006 2007 10% les plus fortunés 2008 1 243 367 1 237 1 351 Nombre de personnes 10% les moins Entre les 40 en fortunés dessous du et seuil les 50% de pauvreté chez les jeunes et les seniors 2009 Euros 1500000 1200000 900000 600000 300000 Y a t-il nécessité d’une intervention publique 300 2002 pour satisfaire les besoins fondamentaux (santé, éducation, produits de première nécessité) ? 9 000 J-F. S. : Bien entendu ! Tout ce que l’on sait du mode de formation des préférences individuelles atteste que, si les individus devaient acheter la santé et l’éducation sur un marché à leur prix réel, ils arbitreraient 8 000 en faveur d’autres biens leur apportant une satisfaction plus immédiate. Ils achèteraient donc moins de 7 382 ces biens fondamentaux 7 000 que ce qu’exigerait non seulement leur propre intérêt mais aussi celui de la société tout entière, dont le développement et le dynamisme reposent sur un haut niveau de formation et de bonnes performances en matière de santé publique. Le débat autour de l’assistanat a t-il un sens ? J-F. S. : Qui sont les assistés aujourd’hui ? On a bien l’impression que, pour l’essentiel, ce sont ceux qui sont en mesure de prélever le produit du travail d’autrui grâce aux énormes moyens de pression qu’ils détiennent. Propos recueillis par Jean-Michel Amitrano 0 500 400 2002 Évolution des patrimoines entre 2004 et 2010 2004 1 237 1 351 10% les moins fortunés 18 - 29 ans 381 983 543 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2003 2004 2010 79 755 115 964 842 349 Entre les 40 et les 50% 2005 2006 2007 10% les plus fortunés 2008 1 243 367 8 173 2009 ACCENTS n°210 Interview 5



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