Au quotidien culture 32 ACCENTS n°210 Au quotidien Un témoignage poignant Dans l’avalanche d’ouvrages brillants et passionnants qui ont ponctué les différentes manifestations et émissions consacrées au cinquantième anniversaire de la signature des accords d’Evian, un choix subjectif nous permet d’évoquer le texte bouleversant de Jean-Noël Pancrazi, « La montagne ». En moins de cent pages, au gré de longues et envoûtantes phrases, il recrée ce passé de sang et de larmes et raconte avec simplicité le drame qui frappe une petite ville d’Algérie, pendant la guerre. Le narrateur a huit ans, il échappe à un massacre et dans son récit bousculé ou guidé par le souffle du sirocco, il évoque la douleur de l’arrachement, du déracinement, de l’exil et du deuil impossible. Jean-Noël Pancrazi, né à Sétif, écrit sans haine, simplement, sobrement, magistralement. G. G. « La montagne », Jean-Noël Pancrazi, Éditions Gallimard, 10 €. Entre un Onfray pétillant (à droite) et un Bedos émouvant, « l’Assemblée » a tenu ses promesses Histoire France-Algérie : mémoires brisées et esquisses de dialogue Plusieurs milliers de personnes ont assisté aux rencontres organisées à Marseille dans le cadre du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d‘Algérie. Entre émotion et passion, un temps fort démocratique. Cinquante ans après, est-il possible de prononcer le mot réconciliation ? Peut-on d’ailleurs l’envisager ? « L’Assemblée » organisée au théâtre de La Criée, à Marseille, par Marianne, en partenariat avec France Inter et le journal El Khabar, avec le soutien du Conseil général des Bouches-du-Rhône, n’apporte pas que des réponses négatives. 7 500 personnes ont assisté aux trente débats qui ont vu se mêler, se juxtaposer ou s’opposer points de vue et opinions. Parfois vivement, souvent en passion, toujours avec émotion. Evidemment, des réticences s’expriment toujours avec force entre ceux qui considèrent qu’ils ont perdu « leur » pays en 1962 et ceux qui continuent, là-bas, à mener une lutte contre un « colonialisme » qui n’existe plus. Échange, écoute Il est clair que le choc de ces deux mondes, aggravé par les bouleversements qui secouent le monde arabe depuis plusieurs mois, n’en finit pas de raviver les polémiques. Le duel sans concession entre Bernard-Henri Lévy et Zhora Drief pouvait-il un seul instant permettre d’aller vers ces chemins de la repentance qu’affectionne tellement notre société ? Logiquement, historiquement et idéologiquement, non ! Mais au moins, la rencontre, improbable, incertaine, a eu lieu ! Et il s’est réellement passé quelque chose, dans cette confrontation des thèses et des idées. Lakhdar Hamina, Jean-François Khan, Alain Finkielkraut, Paul Thibaud, Jean-Jacques Jordi, Benjamin Stora n’étaient pas présents à Marseille pour refaire l’histoire, pour faire de l’archéologie, mais pour dessiner les pistes d’un improbable dialogue. Sur l’autre rive, à Alger, on ne s’y était d’ailleurs pas trompé, et des émissaires « officieusement officiels » avaient été dépêchés. Que ces échanges se soient déroulés sereinement dans le cadre d’une manifestation soutenue par l’Assemblée départementale est plus que réconfortant. Car entre la parole d’un Michel Onfray pétillant dans ses évocations de Camus et les confidences d’un Guy Bedos humain, forcément humain, s’est esquissé un moment fort de démocratie et d’échange qui n’a pas échappé au public nombreux et attentif. C’est cela l’une des principales leçons de cette Assemblée qui a été également suivie en direct sur le site internet du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Aujourd’hui, il est possible de se connecter sur www.cg13.fr pour suivre 12 débats et de nombreuses interviewes des participants à cette assemblée. Photos : P.Ciot |