4 DR ACCENTS n°208 Interview Frog 974 - Fotolia.com « Le pire serait de tomber dans un système à l’américaine » Dette, crise de l’euro et de l’Europe, États au bord de la faillite. Après trois ans de tempête financière et sociale, bien des certitudes vacillent. Bernard Maris, économiste engagé – il est Oncle Bernard pour les lecteurs de Charlie Hebdo – répond avec talent et humour aux questions d’Accents. Accents : On nous affirme, chiffres à l’appui, que le temps de l’État providence est révolu. Faut-il signer son acte de décès ou bien chercher à le réinventer ? Bernard Maris : L’État providence est une invention démocratique essentielle. C’est une société d’assurance. La protection des citoyens du risque (maladie, chômage, accidents) et l’accès aux biens publics fondamentaux (l’éducation, la culture) sont essentiels pour maintenir la liberté de penser et d’agir. Une population qui vit sous le risque est soumise. Il n’y a pas pire dictateur que le risque. En revanche, il faut sans doute le réinventer. En tout cas, promouvoir un financement pérenne. Et pour ça, il faut précisément sortir de l’économie de rente, de parasitisme, que constitue l’économie des marchés financiers. Il faut comprendre que tout le secteur financier et bancaire ne crée pas de valeur. Mieux : qu’il détruit de la valeur plus qu’il n’en crée. Il faut sans doute fiscaliser également une partie de la protection sociale. Il faut faire payer la protection sociale aux pays qui n’en ont pas et nous concurrencent. Le pire serait de tomber dans un système à l’américaine, où les gens ne sont pas soignés et payent en moyenne deux fois plus que les Français. Si l’État a des caisses vides, peut-on trouver de l’argent ailleurs ? Auprès des collectivités locales ou bien en s’attaquant aux dépenses sociales ? B. M. : Le gros morceau, en volume, ne le cachons pas, c’est la protection sociale. Pourquoi ne pas obliger l’État à équilibrer son budget, comme le prévoit la réglementation pour les collectivités locales ? B. M. : Oui, sauf que certaines dépenses publiques ne sont pas des dépenses mais des investissements. C’est toute la différence entre l’éducation, la recherche, et les dépenses de retraite. Ces dépenses publiques devraient être sorties, en partie, du budget de l’État. |