. 38• ACCENTS en vueculture Denis Borg, charpentier de marine Il était un petit navire « La barquette est à Marseille ce que la gondole est à Venise », parole de charpentier de marine, celle de Denis Borg, un des derniers à construire et à r énover les barquettes marseillaises, ces embarcations de p êche de la grande fa mille des pointus. Et Denis Borg sait de quoi il parle. Chez les Borg, on est charpentier de marine, de père en fils. « C’est même pathologique », plaisante t-il. Un temps photographe, il a attrapé le virus familial sur le tard : « Je passais mon temps libre sur le chantier naval. Tout ce que j’ai appris ici, je l’ai volé », résumet -il p our expliquer ce métier, sa rudesse mais également la frilosité de son père à le voir reprendre le flambeau : « J’ai fait le forcing pour prouver que j’avais ma place. Papa était convaincu qu’il valait mieux être derrière un bureau dans l’administration ou dans la banque. » Niché au bout de l’anse du Pharo à Marseille, avec vue sur le Palais, le chantier naval transpire l’authentique. Il règne l’atmosphère des ateliers, celle du geste répété à l’infini et de la noblesse de la matière. Ici le bois est roi. Denis Borg parle même de métier « kinesthésique » pour définir son art. Parmi les derniers dépositaires d’un s avoir-faire, il déf end a vec f erveur ces embarcations parce qu’elles font partie du patrimoine maritime : « Les institutions doivent se mobiliser pour protéger ce patrimoine. On est sur une micro-niche quasi inexistante. Mes clients sont aisés et ont une certaine culture maritime. Mais en t emps de crise, l’activité est fragile, elle est en train de péricliter. » Alors, comme son père l’avait fait dans les années 60 a u moment de l’arrivée des bateaux en plastique sur le marché, Denis Borg vire un p eu de b ord pour se diversifier vers la décoration d’intérieur. Il s’active pour faire vivre son activité, participe aux courses de bateaux anciens, reçoit les touristes sur le chantier naval, et fait figurer le c hantier naval Borg sur les réseaux sociaux du web. Le temps de laisser passer l’orage. « La c ause n’est pas per due », f init-il par concéder mais « quelle én ergie ». C e p essimiste éphémère a vite fait de se projeter. En ce moment, il planche avec le CNRS s ur le projet Protis labellisé « Marseille Provence Capitale de la culture 2013 » pour la reconstruction selon les techniques anciennes et la navigation de deux épaves antiques massaliotes mises à jour en 1993 dans le ventre de Marseille. n Pascale Hulot PHOTO : C. ROMBI |