département au coeur. culture. sorties 36• ACCENTS LE COIN DES LIVRES Cette rentrée hivernale est plus discrète que celle qui précède la sarabande de prix d’automne. Pourtant, elle permet de mettre en vitrine les ouvrages de poids-lourds du monde des lettres. Ces quelques notes permettent de dresser un panorama, forcément subjectif, de ce que l’on trouve actuellement chez les libraires et qui mérite amplement l’attention des lecteurs que sont les fidèles d’Accents. Iegor Gran : écoutez sa différence C’est un pamphlet, et comme tout pamphlet il est excessif, mais diablement drôle. Iegor Gran, agacé par la religion verte qui nous dicte nos comportements et fait la loi dans les slogans publicitaires des grands distributeurs, se déchaîne avec « L’écologie en bas de chez moi ». Il frappe fort et tous azimuts. Il n’a pas perdu la main depuis « ONG », charge contre l’humanitaire et grand prix de l’Humour noir en 2003. Seuls quelques esprits chagrins y trouveront à redire, et encore… Un bon éclat de rire, en temps de crise, c’est plutôt réconfortant. g « L’écologie en bas de chez moi », Iegor Gran, 192 pages, Ed. P.O.L, 15,50 €. Au frère disparu « Olivier », c’est sans doute « la » psychanalyse que Jérôme Garcin n’a jamais faite et qui s’écrit en un texte court et nostalgique. Une cinquantaine d’années après la disparition de son frère jumeau, « Olivier », balayé de la vie par une voiture sur une route de campagne, l’écrivain avoue qu’il mène depuis une « vie pour deux », une vie avec un absent, dont la présence l’obsède. La douleur effleure à chaque page. Certains bouderont ce récit qu’ils jugeront rédigé avec des mots d’un autre temps. D’autres, pour qui la souffrance des conversations avec les fantômes est un exercice quotidien, se laisseront emporter par l’émotion. g « Olivier », Jérôme Garcin, Ed. Gallimard, 160 pages, 15 €. La vraie Françoise L’admiration que porte Laure Adler à Françoise Giroud aurait pu donner au livre « Françoise » un ton hagiographique, nuisant à la recherche de la profondeur et de la complexité de cette femme hors du commun. Selon l’adage, qui aime bien châtie bien, la journaliste et romancière dépeint sans fard l’existence extraordinaire d’une légende de la presse, et pas seulement féminine. Cofondatrice de l’Express, cette grande amoureuse a travaillé avec Jean Renoir, puis fut, aux côtés de Jean- Jacques Servan-Schreiber, farouche opposante à la guerre d’Algérie ; elle inventa le concept de « Nouvelle vague » au cinéma, et devint secrétaire d’État à la condition féminine sous Giscard d’Estaing. Lumière et ombre : le portrait dressé ne cache rien des drames, des trahisons, des fulgurances d’une femme hors du commun. g » Françoise », Laure Adler, Ed. Grasset, 22 €. Le Rital vous salue bien Le temps a passé depuis ses sorties télévisées, aux côtés de Michel Polac. Aujourd’hui, Cavanna, rongé par la maladie de Parkinson, nous livre de nouveaux fragments de mémoire. Il met à profit un répit provisoire, une « lune de miel », pour revenir avec lucidité et franchise sur son parcours. Le rital a toujours son franc parler et dans l’exercice de haute voltige qu’est la narration des souvenirs, il évite les règlements de compte que la dureté de la vie et l’ingratitude de certains auraient pu alimenter. Il reste un amoureux de la vie, avec ses coups de cœur et ses faiblesses. g « Lune de miel », François Cavanna, Ed. Gallimard, 18, 50 €. Le Job d’Assouline C’est un pavé. Près de 500 pages surprenantes, signées Pierre Assouline, « serial- biographe », son tableau de chasse est riche des vies de Gaston Gallimard, Hergé, Simenon, Albert Londres… qui part sur les traces d’un personnage mythique qui n’a peut être jamais existé : Job. C’est étonnant, déroutant et passionnant. Ce livre en forme de puzzle, où se croisent philosophie, littérature, peinture, religions, parcourt les « Vies de Job » pour questionner la souffrance qui frappe le juste et nous offre un texte où souffle l’inspiration. g « Vies de Job », Pierre Assouline, 496 pages, Ed. Gallimard, 21,50 €. Coetze revient à l’été de sa vie Dans ce troisième volet de son autobiographie fictive, le Sud- Africain John Maxwell Coetze dévoile avec pudeur ses échecs et ses amertumes. Le livre le plus poignant du Prix Nobel 2003. « L'Eté de la vie », ce sont les Mémoires d'outre-tombe de Coetzee. C'est aussi son livre le plus poignant parce qu'il ne triche ni sur ses échecs, ni sur ses humiliations sentimentales, ni sur sa profonde amertume. Et, si l'auteur y prétend être "un éteignoir", il a su briser sa cuirasse pour se confesser à cœur ouvert. Avec une pudeur magnifique. g « L’été de la vie », J. M. Coetze, Ed Seuil, 22 €. |