12• ACCENTS Violence et précarité, un constat alarmant TÉMOIGNAGE SEULE, 2 ENFANTS ET PRÉCAIRE… « Il nous a mis dehors, avec mes deux enfants. Aujourd’hui, je n’ai plus rien. » Françoise*, 34 ans, est en grande précarité. Cette jeune mère a vu sa vie basculer en un jour, quand son mari, un soir, la met dehors avec ses deux enfants. Hébergée par une amie, elle tente de refaire surface. « C’est difficile car je ne gagne que le smic. Je n’ai pas les moyens de me loger. » Son mari a accepté la garde alternée mais a gardé tous les biens. « Tout était à son nom, je suis partie sans rien. » Elle a juste gardé la voiture et… le crédit qui va avec, 350 euros par mois. « Heureusement qu’une association m’est venue en aide pour trouver un logement, sinon je ne sais pas comment je pourrais m’en sortir. » Aujourd’hui, elle n’a qu’un souhait : avoir un appartement à elle et subvenir aux besoins de ses enfants. Une chose encore difficile à réaliser. « Le taux de précarité est plus élevé chez les femmes*. Un facteur qui va souvent de paire avec les violences conjugales. Nous sommes le 5 e département français le plus touché par la violence sur les femmes. » Amel Ar vin-Berod sait de quoi elle parle. La directrice de l’association SOS Femmes accueille chaque année avec son équipe plus de 2 200 personnes dans sa structure. Dans les Bouches-du-Rhône, les violences volontaires sont de 25,3 pour 1000 (contre 18,7 en moyenne nationale). Cela en fait le département méditerranéen au taux le plus élevé. « De façon générale, les femmes battues par leur mari ou leur conjoint sont de toutes tranches d’âges et de toutes catégories sociales ; et il est difficile pour elles de rompre avec leur quotidien pour partir, notamment par manque de moyens financiers. » 826 euros par mois Car la précarité est un des facteurs aggravants qui accentue les violences. Une récente étude TÉMOIGNAGE Une vie de violences « Je suis psychiquement morte. » Le constat est sans appel. Sarah-Linda Belkiri, 35 ans, a déjà vécu plusieurs vies et aucune n’a été heureuse. « Ma mère est partie quand j’avais 9 mois. Je me suis retrouvée avec mes 2 frères et mon père. Il vivait de casses et de proxénétisme. C’est pas l’idéal pour grandir. » Plus tard, elle confie qu’à l’âge de 6 ans, elle a été violée par son père, son oncle et… l’éducateur du foyer dans lequel elle a été placée. Elle ne voit plus l’un de ses frères, accusé de viol. L’autre a été agressé chez lui et défénestré du 7 e étage. Handicapé à vie. de l’Insee montre que la pauvreté touche plus souvent les femmes que les hommes (15,7% contre 13,1%). Plusieurs facteurs se cumulent pour générer cette disparité : les femmes sont plus souvent seules ou parents isolés (35% vivent en dessous du seuil de pauvreté), avec un taux de chômage plus important (seules 55% occupent un emploi) et des salaires plus faibles (29% perçoivent moins de 826 euros par mois). Enfin, les femmes travaillent souvent dans des emplois moins qualifiés que les hommes. « Dans tous les cas, le plus important est de faire retrouver à toutes ces femmes l’estime de soi, ainsi que de leur faire prendre conscience que ce sont avant tout des victimes », c onclut Amel Arvin-Berod. n *Source : Insee, analyse n°2 (déc. 2010) « Je suis à ses côtés pour lui rendre la vie plus facile. » Ses rencontres avec les hommes se terminent souvent en cauchemar. « Lorsque le père de mon 4 e enfant m’a menacée à plusieurs reprises avec une arme, j’ai décidé de partir. Il ne me battait pas, mais la violence était morale. Je ne voulais pas faire subir ça à mes enfants. » Elle quitte la région lyonnaise pour Marseille, avec ses enfants. Elle rencontre alors l’association SOS Femmes. « Elles m’ont sans doute sauvée du suicide en essayant simplement de m’écouter et de me comprendre. » Aujourd’hui, Sarah Linda a choisi de parler à visage découvert « comme un élément de thérapie ». Un documentaire lui a d’ailleurs été consacré sur France 5. « Je sais que je n’ai pas d’avenir. Je vis pour mes enfants, même si je suis morte à l’intérieur de moi. » Elle suit actuellement des cours à distance pour être éducatrice spécialisée, et souhaite aider SOS femmes qui lui a permis de se remettre sur les rails. « Mon histoire est particulière, mais toutes ces femmes qui subissent la violence en silence, c’est insupportable. Il faut les aider. » SOS femmes, 10, av. du Prado, Marseille. Tél. 04 91 24 61 50. |