PHOTO : C. ROMBI. 38• ACCENTS en vueculture Marc Nucera Sculpteur en arbres Du haut de ses arbres perché, harnais au torse et tronçonneuse en main, il a longtemps dessiné avec les branchages et les ramures des chênes, des amandiers ou des cyprès des silhouettes qui crevaient le ciel de leurs formes élancées ou rondes. Depuis, il est descendu de ses cimes et s’est enraciné dans la terre de sa chère Provence, un peu à la manière de ces troncs séculaires qu’il sculpte désormais, transforme et sublime au fil de son imagination. Marc Nucéra, 44 ans, est né à Noves et y est resté. C’est un « pique plant » comme on dit ici, un de ces tuteurs si ancrés au sol qu’on ne peut les y arracher. Depuis 20 ans, cet artisan-artiste, autodidacte, à la fois puissant et rêveur, timide et intarissable sur les arbres, pratique son art en métamorphosant les géants verts et le bois mort. Ce rapport fusionnel au bois, il le doit sans aucun doute à son père, ouvrier à la Seita par nécessité mais ébéniste par passion. « Copiste hors pair de jouets anciens, il créait des mondes chaque fois différents. C’est en le voyant que j’ai pris conscience de la vie de la matière », raconte t-il. Et comme il aimait trop la nature pour supporter de longues journées studieuses en classe, Marc a choisi très tôt les vergers plutôt que l’usine. Un Bep Jardin et Espaces verts en poche, c’est vers le soin aux « patriarches », ces arbres centenaires, qu’il se spécialise très vite, des oliviers millénaires notamment, « des arbres sculpturaux, de fascinants monuments ». En 1995, Marc Nucéra s’est taillé une belle réputation, au point d’être élu « meilleur artisan du Var ». Auprès de ses arbres « Un jour, un arbre est mort. Personne ne savait quoi faire du tronc », se souvient t-il. C’est le début d’une autre histoire. Car Marc ne peut se résoudre à couper ou à débiter ce qu’il considère comme l’essence même d’un lieu. « J’ai commencé à sculpter le tronc des grands arbres morts encore enracinés, sans idée précise, en me laissant guider par la matière. » En parcourant son « jardin expérimental » à Noves, on croise ainsi des formes molles, des corps à la Botero, des salons meccano où tout peut s’emboîter pour reconstituer le tronc originel, des énormes fauteuils club taillés dans le cœur d’un tulipier, des colonnes torsadées de peuplier centenaire, des tables en cerisier, des troncs de cyprès à facettes, un volume rond ou une spirale large comme des sections de bois de platane, un « confident », long fauteuil à deux places, et même des transats de bois que la neige de mars recouvre encore. « Une fois sculpté, l’arbre n’est plus mort, il participe à la vie du lieu d’une nouvelle façon », explique cet éternel insatisfait toujours à la recherche de nouvelles expériences. Et comme nul n’est prophète en son pays, sa renommée est plus internationale que locale. Des magazines « Garden and house » anglais, allemands, italiens lui ont consacré des reportages et ses clients sont plutôt des étrangers fortunés installés au pied des Alpilles. Il a publié chez Actes Sud un livre, « À l’écoute des arbres » retraçant son parcours professionnel et artistique. Écrit un peu, dessine beaucoup mais passe toujours le plus clair de son temps auprès de ses amis les arbres. Ses piliers. n Irène Lanfranchi Marc Nucéra : 04 90 92 99 21 |