. Dossier JEAN-FRANÇOIS MARGIER, OLÉICULTEUR À AURIOL « DU BON, DU BEAU, DU BIO » En 2004, l’exploitation de Jean- François Margier fut la première des Bouches-du-Rhône qualifiée en agriculture raisonnée. L’oléiculteur joue à fond la carte de la qualité et ça plaît. Ses clients viennent d’Aix ou Marseille pour venir chercher l’huile d’olive du moulin Margier. Depuis 2008, ses productions, d’huile d’olive, de vin et de raisin, sont en reconversion bio. « Quand on est sur des productions qualitatives, avec des AOC, le bio, c’est une condition nécessaire pour vendre au prix rémunérateur. Aujourd’hui, les consommateurs veulent du bon, du beau, du bio. La qualité est devenue incontournable. Elle a un coût, mais il y a un retour sur investissement ». 6• ACCENTS JEAN-NOËL FABRE, SÉNAS ZANDRÉ BOULARD, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE D’AGRICULTURE Rétablir les règles du jeu Dans quelle situation se trouve l’agriculture dans les Bouches-du-Rhône ? André Boulard : Elle est dans le rouge. Les exploitations agricoles ont vécu une année 2009 très difficile. Les pertes nettes s’élèvent à 100 millions d’euros. Et dans l’ensemble, toutes les filières sont touchées. Quels sont les facteurs qui expliquent ce sombre tableau ? A. B. : outre la conjoncture économique, l’agriculture subit une crise structurelle depuis longtemps. D’une part, parce qu’elle rencontre un problème de compétitivité. En France, le coût de la main d’œuvre est trop élevé par rapport à ceux pratiqués dans de nombreux pays. Et nous subissons de nombreuses distorsions de concurrence accentuées par les accords commerciaux passés par l’Europe avec des pays tels que le Maroc, la Turquie, voire plus loin avec la Chine, qui produisent à moindre coût, parfois à moins de 2 € de l’heure pour la main d’œuvre. Cela fausse les règles du jeu. D’autre part, la filière des fruits et légumes, prédominante dans le département, est très peu aidée par les aides européennes de la Politique agricole commune (PAC). De plus, le poids de la grande distribution, très concentrée en France, nous pénalise. Les marges de négociation des agriculteurs avec la grande distribution sont faibles. Les agriculteurs sont contraints de vendre leur production à des prix toujours plus bas. Mais cela ne se retrouve pas sur les étiquettes des prix pour le consommateur ? A. B. : Parce qu’il y a un triangle « infernal » : production, négociation, distribution. C’est pourquoi, nous réclamons un observatoire des prix pour voir la réalité des négociations entre les différents intermédiaires. Il faut plus de transparence. Encore une fois, tous les plans d’urgence pour sauver l’agriculture ne changeront rien si on ne met pas en place les mécanismes normaux d’un marché équilibré. Pourtant le consommateur semble revenir à une consommation plus citoyenne, vers des produits locaux. N’y a-t-il pas là des débouchés pour l’agriculture locale ? A. B. : oui, c’est une des raisons d’être optimistes. Il faut sensibiliser encore les citoyens sur l’intérêt de maintenir une agriculture locale forte : intérêt économique pour l’emploi, intérêt sanitaire pour la qualité, enfin intérêt écologique. n Propos recueillis par P.H. Un arboriculteur (presque) heureux La photo de son profil Facebook, c’est une belle poire verte, appétissante ! À Sénas, il a repris l’exploitation familiale et on est chez les Fabre, arboriculteur de père en fils. Et ça le restera, a décidé Jean-Noël, 3 e des Fabre à faire dans la pomme et dans la poire. Jean-Noël Fabre a très tôt compris la règle de la réussite. « Si on cesse d’investir, on meurt à petit feu. » Et pourtant, investir nécessite une bonne trésorerie, souvent difficile en temps de crise. Et il assène sévèrement : « Si la grande distribution ne réduit pas ses marges, ça ne repartira pas. » Il produit chaque année 1000 tonnes de poires et de pommes sur ses 45 hectares et les commercialise par le biais de l’Organisation de Producteurs « Les Vergers de Beauregard », à laquelle est affiliée une quarantaine d’exploitations familiales. Lui croit qu’il faut parvenir à combiner le volume, la plus-value, l’investissement et la qualité. Alors, il dresse un premier constat : « De la pomme, on en fait presque partout dans le monde, à l’exception de l’Equateur ! Des poires, non. La culture du poirier comporte certes des contraintes. Mais ici, cette culture peut être exceptionnelle. » Il entend donc produire davantage de poires que de pommes dans les années à venir. Deuxième constat : il faut investir pour résister. C’est ce qu’il fait, en achetant deux grands frigos qui servent à conditionner ses fruits. Coût de l’achat pour le seul frigo extérieur : 120 000 € ! « Aujourd’hui, celui qui ne stocke pas, perd. » Il admet se rémunérer « correctement », à hauteur de 2000 € par mois. Et assène une simple vérité : « les efforts consentis par les paysans servent à nourrir la société. » Ch. F.-K. |