En 2012, vous aviez organisé l’expédition WiDE (Wilderness Diving Exploration), qui a duré 51 jours dans le très hostile océan arctique. Dans quel but ? Alban Michon : Le Grand Nord a donné lieu à de multiples expéditions. Depuis longtemps, il suscite la curiosité et magnétise les hommes. Mais peu de personnes sont allées voir ce qui se passe sous la banquise. C’est un univers peu exploré, et par conséquent sous-documenté. Il y a un an, avec Vincent Berthet, caméraman qui connaît bien l’univers polaire, nous avons décidé d’y aller, afin de rapporter des photos et des vidéos inédites de cet autre monde. Un endroit aussi merveilleux que rigoureux, qui peut se révéler dangereux… Comment s’est déroulée votre mission ? A. M. : L’expédition a démarré le 20 août 2012 d’Ittoqqortoormiit, village le plus haut sur la côte est du Groenland (70° de latitude Nord), pour descendre vers Tasiilaq, localité que nous avons atteinte le 10 octobre. Nous avons pagayé à bord de nos kayaks de mer à un rythme de 3 km/h en moyenne. La navigation s’est déroulée dans les fjords les plus reculés, glissant entre les icebergs au moment même où ils se détachaient de ce continent de glace. Nous avons pu plonger et relever notre défi : recueillir de beaux témoignages à partager avec les générations futures. Celles qui n’auront peut-être pas la chance de connaître ce sanctuaire, aujourd’hui menacé par le réchauffement climatique. Vous avez dû vivre des moments intenses, inoubliables… A. M. : Oui, vraiment mémorables. Autant pour les coups de stress et d’angoisse quand, par exemple, on est tout à coup pris au piège des glaces après avoir ramé jusqu’à l’épuisement. On est alors obligé de dormir dans le kayak par - 7° C avec une couverture de survie sur les épaules. Mais aussi pour les grandes émotions devant la magie des lieux avec des aurores boréales magnifiques et des rencontres extraordinaires avec quelques animaux marins : requin du Groenland, ange de mer, cténophore à filament… Sans oublier l’ours blanc face auquel je me suis retrouvé nez à nez lors d’une plongée. Un instant unique, surréaliste, qui marquera ma vie de plongeur, après pourtant 9 000 plongées effectuées aux quatre coins du globe… Vous possédez deux écoles de plongée, l’une sous glace et l’autre spécialisée en spéléo, ce qui n’est pas banal. Par quel chemin arrive-t-on à ce métier ? A. M. : Tout a commencé quand j’avais 11 ans. Je sortais de l’école des Chartreux – elle ne s’appelait pas encore Jacques-Yves Cousteau ! – pour entrer au collège Marie-Curie à Troyes. C’est en regardant des reportages à la télévision sur le milieu sous-marin que j’ai été attiré par ce monde mystérieux. Mon père nous a alors inscrits, ma sœur et moi, dans le seul club troyen afin de nous initier à la plongée. Puis, chaque été, nous avons passé des vacances dans le Sud de la France pour pratiquer en milieu naturel. Mes années collège et lycée n’ont pas été brillantes ; j’étais totalement absorbé par ma passion. J’ai emmagasiné les connaissances théoriques et techniques en plongeant aussi bien au lac d’Orient que dans la Douix, en souterrain, à Châtillon-sur-Seine, etc. Une fois mon diplôme d’éducateur sportif en poche, j’ai acheté un camping-car, animé d’une liberté sans limite, en route pour un rendez-vous en mer inconnue… Je suis devenu professionnel et suis allé au bout de mes rêves ! Vous souhaitez témoigner de ce parcours devant les jeunes. Pourquoi ? A. M. : Je suis persuadé qu’il ne faut pas subir sa vie, mais la maîtriser. Le discours que je tiens, quand on me demande d’intervenir dans une entreprise ou une école, c’est qu’il faut avoir un objectif et s’y tenir, sans jamais baisser les bras. Je suis déjà venu à Bréviandes dans la classe de ma nièce. Et je reviendrai dans d’autres établissements scolaires aubois… L’Aube nouvelle • n°83 • printemps 2013 Pour aller plus loin > Voir le piège blanc Film (110’) de Thierry Robert, avec Alban Michon et Vincent Berthet, produit par Nicolas Zunino. Images sous-marines : René Heuzey. Montage : Alexis Barbier-Bouvet. Musique originale : Tristan Nihouarn. Production : Le cinquième rêve (avec la participation de France Télévisions, du magazine Thalassa et de Planète+ Thalassa, du CNC et de la région Rhône-Alpes). Diffusion à la télévision : 3 mai 2013 (sous réserve). > Lire Livre à paraître à l’automne 2013. > Consulter www.wide-exploration.com www.tignesplongee.com www.quercy-plongee.com 19