Histoires d’archives En 1935, le gouvernement français avait prévu de doter les Français d’une « carte d’identité préfectorale » en cas de guerre. Celles-ci sont délivrées dès la mobilisation en 1939. Jusqu’en 1943, les fausses cartes d’identité sont peu fi ables ; ensuite, les méthodes des faussaires se perfectionnent et de fausses cartes sont fabriquées par centaines de milliers, souvent à partir de vrais documents établis par des fonctionnaires résistants. Résistant ou réfractaire au STO ? Une histoire de faux papiers, en 1943 à Digne Fausse carte d’identité au nom de Jean-Paul Marie Devereux, 1943. Les Archives départementales racontent… Cette histoire singulière a un épilogue malheureux : son héros, Pierre Duréault, est fusillé par les Allemands dans les maquis du Jura, au Mont-Chabot, en avril 1944. Le jeudi 14 octobre 1943, Duréault avait été arrêté lors d’un passage à Digne « pour détention et usage de fausse carte d’identité française et de fausse carte d’alimentation ». Par erreur, il se cachait sous l’identité d’une personne déjà recherchée par la police. Sa fausse carte d’identité ne résiste pas à l’œil expert du policier qui l’examine à l’hôtel du Tourisme, rue Pied-de- Ville, où il est descendu. Le policier y relève maintes imperfections : tampon, numéro de série… Sans tarder, Duréault livre sa vraie identité. Il ajoute être né à Paris le 22 novembre 1922, être étudiant à Grenoble… en toute sincérité. En revanche, sur les raisons de son passage à Digne, l’histoire qu’il raconte aux autorités est une fable. Il a souhaité échapper au Service du Travail Obligatoire (STO) instauré par Pierre Laval le 16 février 1943 et qui touche tous les hom- mes jeunes. Duréault déclare avoir : « …quitté GRENOBLE hier soir, pour me rendre à DIGNE, car je devais retrouver à PEYRUIS-LES-MEES (BA) un camarade du nom de GATTO qui est dans la même situation que moi au point de vue STO, et nous comptions nous cacher dans la région des Basses Alpes pour ne pas être envoyés en Allemagne. GATTO n’était pas au rendez-vous. GATTO était de MACON autant qu’il me semble et je l’ai connu à la Faculté de GRENOBLE. C’est un jeune homme de vingt ans environ, blond, plutôt fort, visage courant, sans particularités, taille moyenne, vêtu d’un costume bleu à rayures noires, nu-tête. » Le policier, le procureur et le juge sont-ils dupes ? Duréault serait-il un agent de liaison de la Résistance en mission ? Car son histoire est peu crédible – il n’est pas défaillant au STO et il porte sur lui une forte somme, 20 000 francs… Les autorités se contentent de sa version : il prend 15 jours de prison plus une amende, le tarif appliqué aux jeunes gens réfractaires au STO jugés à Digne au cours de cette période. En décembre 1944, son père obtiendra sa réhabilitation. |