Histoires d’archives Les Archives départementales racontent… 1914 - 1918 La valise bleue T out commence avec une valise bleue, bien ordinaire, en bois léger et donc peinte en un bleu presque horizon, comme les uniformes des poilus de 1915. Depuis des décennies, elle était reléguée au grenier d’une vieille bâtisse. Et c’est là, que de nouveaux propriétaires l’ont découverte et confiée aux Archives départementales, où elle fut rangée, telle qu’elle, sur les rayonnages d’un des huit magasins où sont normalement stockées les archives. Bien des jours plus tard, un archiviste curieux se pencha sur son contenu. Une correspondance, des clichés, deux décorations, une enquête… y relataient la vie d’un poilu, Augustin Richaud, mort pour la France. Né en 1884 à Blégiers et demeurant au Mousteret, il avait été exempté du service militaire à cause d’une « faiblesse générale ». En 1913, ce cultivateur épousait une fille de Prads, Marie Eugènie Muraire. En juillet 1914, dix jours avant la déclaration de guerre, naissait un fils, Jérôme, le futur chanoine Richaud. En décembre 1914, l’armée ayant besoin de soldats, Richaud est incorporé dans l’infanterie coloniale. En 1915, après ses classes, il monte au front. En avril 1917, son régiment, le 23 e, dépendant de la 3 e division coloniale, est engagé en Picardie lors de l’offensive du Chemin des Dames. Gravement blessé le 5 mai par un éclat d’obus dans l’enfer du Mont des Singes, il fait écrire de son lit d’hôpital une lettre à son épouse, le 7 mai, jour de son décès (l’orthographe est conservée) : « Chère petite Marie. Il y a déjà quelque temps que je t’ai pas envoyé de mes nouvelles. Je ne veux pas te faire languir plus longtemps. Je t’apprend donc que j’ai été blessé il y a deux jours à la cuisse. Je suis à l’hôpital de Soisson très bien soigné. L’amputation sera peut-être nécessaire mais je conserverai presque toute ma cuisse. Ne te fait pas du mauvais sang… Enfin à la volonté de Dieu. J’espère que la guerre est finie pour moi. Si seulement j’étai évacué près de chez nous. Allons au revoir chère Marie, écris moi vite, embrasse bien le petit Germain ». Son fils est parti, en 1931, sur les traces de son père, conservant pieusement la Médaille militaire et la Croix de guerre reçues à titre posthume. Il repère enfin sa tombe au cimetière de Crouy, édifié au moment de la bataille et qui abrite aujourd’hui encore les corps de 3 000 combattants. À sa mère, il écrit : « Sur sa tombe, j’ai bien prié en mon intention et en la vôtre. Je suis resté assez longtemps à prier et à pleurer si la pluie ne m’avait pas surpris. Enfin, j’ai pu retrouver sa tombe, cela me suffit. » 18 |