Histoires d’archives Une histoire d’amour Les Archives départementales racontent… L’écrivain Jean Proal et Suzon Les archives départementales ont reçu en don en 2013 un fonds d’archives d’une extrême qualité, le fonds « Suzon Proal », seconde épouse de Jean Proal. Il complète heureusement le fonds Jean Proal déjà détenu par les archives. Le fonds Suzon Proal contient une correspondance intime entre Jean et Suzon ainsi que leur correspondance avec leurs amis et leurs relations professionnelles, en particulier des éditeurs parisiens. Il se singularise aussi par des tirages photographiques réalisés par le peintre Hans Hartung, un ami très proche, avec sa compagne, de Jean et de Suzon Proal. Cette histoire débute par la rencontre de Jean Proal et de Suzon qui se concrétise par un mariage en 1961. C’est une histoire dont la correspondance respire l’amour. Au cours de leurs échanges épistolaires, c’est à celui qui, de Jean et de Suzon, adresse à l’autre les mots les plus doux et les plus caressants. Au début de leur relation, en 1950, Suzon décrit à Jean son trouble devant leur amour naissant : « Vendredi dans la nuit, si après avoir lu la lettre que j’ai portée ce soir à la Poste le cœur tremblant, dans une fin d’après-midi miraculeuse, cette lettre que mon démon de sincérité absolue m’a poussée à t’écrire, tu peux me répondre que rien n’est changé, alors tout sera bien. » Un autre jour, Jean, « l’écrivain de la montagne et de la mer », joint à sa lettre des fleurs séchées : « Saphirs et topaze, écrit-il à Suzon, ramassés tout à l’heure sur le chemin de Montbolo… mais tant d’amour. » Jean et Suzon, que Anna-Eva Bergman, la compagne de Hans Hartung, désigne par une formule tout attachée « Très chers touslesdeux », vivent un amour presque fusionnel. En mars ou en avril 1950, alors que Jean souffre d’une grave maladie, Suzon lui écrit : « Oui, mon Jean, tout est bien. Tout est admirablement dans l’ordre, dans le biais et, si tu es aussi sûr que nous sommes dignes de ce don merveilleux que j’en suis sûre moi-même, alors tout est gagné. Et si, toi, tu en doutes, alors j’y croirai pour deux et ce sera gagné tout de même. Je me sens terriblement calme, paisible, tranquille, remplie d’une admirable certitude, de la foi absolue… Et mon bonheur est si grand, si merveilleux ! Ma joie si profonde ! Ha ! Je ne sais pas comment on peut exprimer par lettre les grands silences tout remplis… mais je sais que tu sais et alors tout devient facile. Ma main dans ta main, ma tempe contre ta tempe, ma joue contre ta joue, mon épaule contre ton épaule, ma hanche le long de ta hanche, ma jambe le long de ta jambe, moi tout le long de toi et savoir que les mêmes pensées nous habitent, que les mêmes sensations nous traversent, nous pénétrent et alors la joie, la joie large, calme, paisible, éternelle. » Cette belle histoire s’achève en 1969 par la mort de Jean qui, du sanatorium où il est hospitalisé, adresse ces ultimes mots à son amour de Suzon : « C’est la lumière qui me fait respirer ! » Suzon et Jean Proal à Saint-Rémy-de-Provence, 1956 |