Histoires d’archives Les Archives départementales racontent… Les Basses-Alpes, pas si pauvres ! Une enquête sur le paupérisme en 1850 En France, au milieu du XIX e siècle, la situation paysanne s’est largement améliorée. Nombre de descriptions laissées par les contemporains insistent pourtant sur l’indigence extrême d’une population en haillons, vivant dans des taudis et cohabitant avec leurs animaux. En réalité, les situations sont très contrastées même s’il est vrai que les régions de montagne restent défavorisées. Un couple de mendiants Cliché Saint-Marcel Eysseric, vers 1860 (coll. privée). Alors que la Deuxième République vient à peine de s’installer et qu’elle vacille déjà, une grande enquête sur le paupérisme est lancée. Chaque maire doit remplir un bulletin statistique à retourner à sa sous-préfecture et, de là, à la préfecture puis au ministère. L’année 1847 est l’année de référence de l’enquête. L’imprimé est pré-rempli et parmi les professions des indigents secourus sont indiqués, les cultivateurs, maçons, menuisiers, tisserands, ainsi que les couturières, revendeuses, domestiques, et ceux sans profession. Le maire doit aussi préciser le nombre des « mendiants », hommes, femmes, garçons et filles et indiquer combien ont bénéficié des secours du bureau de bienfaisance. Au total, le département des Basses-Alpes compterait 3897 « indigents » – dont 141 à Digne, 100 à Forcalquier, 238 à Manosque – et 504 « mendiants » – dont 25 à Digne, 18 à Forcalquier, 46 à Manosque – sur une population totale de 150000 habitants, soit 3%. Autrement dit, la situation n’est pas si noire ! Tous les maires ne répondent pas à l’enquête. Le sous-préfet de Sisteron s’en excuse auprès du préfet. Seulement 13 communes sur les 50 de son arrondissement ont renvoyé le formulaire « malgré de nombreuses lettres de rappel ». Des greniers de réserve ont parfois été constitués afin de prêter aux pauvres quelques ressources, prêts qui se transforment le plus souvent en dons, ceux-ci étant dans l’impossibilité de les rembourser. Le sous-préfet constate que les mendiants sont peu nombreux, car « la sobriété, l’extrême économie sont les vertus dominantes des communes ». Dans son rapport final, le préfet évoque aussi les « dames pieuses » dont les secours sont particulièrement destinés aux « pauvres honteux » et, dans les communes peuplées, l’existence de sociétés de secours mutuels. Un sous-préfet ne résiste pas à avancer des solutions afin de résoudre la pauvreté, même si « leur exposé ne saurait trouver place dans un rapport aussi restreint ». Pour le souspréfet de Sisteron, c’est clair : il faut endiguer les torrents et propager des mesures hygiéniques « qui doivent affermir et conserver les forces des travailleurs ». Mais, alors que le coup d’Etat du Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte se prépare déjà, le sous-préfet paraît un peu opportuniste : la réponse, écrit-il, est d’abord dans « le maintien de l’ordre » ! |