Histoires d’archives C’est du Feydeau ! Vaudeville et charivari à la fin du XIX e siècle Les Archives départementales racontent… Le mari, la femme et l’amant, ou le « Merle », la « Valse » et le « Pipe » Les fonds judiciaires Les Archives départementales détiennent toutes les archives des tribunaux, qui sont versées lorsque leur « durée d’utilité administrative » est dépassée. Sur les tablettes des Archives cohabitent ainsi des affaires mineures ou banales, comme celle-ci, et des affaires plus rares, voire exceptionnelles, comme l’affaire Dominici, dont les pièces ont longuement été étudiées par les chercheurs à la recherche du coupable ! L’histoire débute par la découverte, un matin d’avril, d’une affichette offensante apposée sur la porte d’une écurie d’un village haut-provençal. Elle vise le Pipe, en l’occurrence l’amant, qui porte plainte et qui « s’est attiré le mépris de la population » de par son inconduite, selon les dires d’un accusé. Son auteur a découpé une page de La mode illustrée en y ajoutant force détails. Les gendarmes décrivent ainsi l’affichette : « On a transformé une de ces femmes en homme en y faisant un chapeau, de fortes moustaches et une pipe à la bouche, sur la poitrine on a écrit les mots le Pipe, et sur celle de l’autre femme le mot Valse. Cette dernière tient une bouteille à la main, le long de laquelle est écrit : « La piquette est-elle bonne ? ». Devant le bébé sont inscrits les mots « le petit profite ». Au haut de la feuille, il y a en gros caractère les mots « La Honte ». Sur le côté droit se trouve l’inscription suivante : « Adieu Valse que j’aime, adieu, je vais mourir, je t’aimerai quand même jusqu’au dernier soupir ». Au bas de la feuille : « Ma chère et bien aimée Valse, je voudrais t’avoir dans mes bras comme par exemple le soir de la reboule. La journée du bois de France. Mes regrets pour toujours belle amie. En passant sous ta fenêtre, je pense toujours à toi et tache d’oublier si je t‘ai offensé, comme je te pardonne toi ». Depuis janvier, le Pipe – l’amant – est harcelé par trois jeunes du village qui lui auraient jeté des pierres et déplacé son bois au cimetière. La Valse – la femme adultère – est victime d’écrits anonymes. Des charivaris sont organisés au détriment du Pipe. Un ouvrier cordonnier de 19 ans déclare aux gendarmes y avoir participé : « Le 25 mars dernier, vers 8h du soir, j’étais dans la maison de mon maître, lorsque j’entendis un grand bruit dans la rue, je sortis et vis les nommés T***, M*** et L***, à la tête d’un grand nombre de personnes (hommes et femmes), qui frappaient sur des arrosoirs, faux et autres instruments en fer. Ils me dirent : « Viens avec nous faire le charivari à D*** car F*** l’a trouvé avec sa femme ». Je pris deux couvercles de plat en fer blanc et je me joignis à eux en frappant ces ustensiles l’un contre l’autre. Nous restâmes un bon moment, près de la maison de D*** en chantant et en faisant du bruit… Nous avons encore fait sept ou huit fois ce tapage principalement le dimanche en parcourant toutes les rues du village, mais alors ce n’était que pour nous amuser ». Les gendarmes firent chou blanc : « malgré toutes nos investigations, écrivent-ils, nous n’avons pu découvrir qui avait fourni le papier ayant servi à faire cette affiche car personne ne reçoit la mode illustrée… ; ni découvrir l’auteur de ce méfait ». Le Merle – le mari – ne fut pas inquiété. Et pourtant ! |